TLASMIS (Tina)
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Introduction : Récit de la Révolution Tlasmas
Il fut un temps, sur Tlasmis, où les hommes, puissants parmi les puissants, dirigeaient tout. Être né femme était mauvais signe pour l’enfant car, dans les croyances populaires et traditionnelles, la femme naissait asservie à l’homme. Le Roi, incarnation du Soleil sur la planète, confortait cette croyance en esclavagisant les femmes Tlasmas.
Mais il arriva un jour où une femme se leva contre cette oppression ; elle osa dire tout haut ce que toute sa gente pensait tout bas. Au début, les autorités masculines ne réagirent pas, pensant que cette voix resterait sans écho, mais les femmes entendaient et écoutaient ce qu’elle disait et, bientôt, toutes les discussions allèrent en ce sens. Si bien que le Roi décidé de prendre des mesures : il
envoya ses guerriers chercher cette voix et une exécution fut organisée sur la place principale de la capitale.
Mais ce fut l’erreur du Roi car toutes les femmes de la planète étaient venues y assister et, au lieu d’agir comme exemple intimidant, l’exécution fut le déclencheur d’une révolution des femmes. Devenues plus fortes que les hommes à cause de leurs années de labeur. Une guerre civile éclata dans les cités principales et les combats firent des milliers de morts sur tout Tlasmis.
Au bout de dix années de luttes, les femmes arrivèrent au Palais et tranchèrent la tête du Roi. Tous les hommes furent emprisonnés et un régime matriarcale fut mis en place. La Première Femme, celle qui s’était élevée contre l’esclavage fut élevée au rang de déesse et fut vénérée sur toute la planète. Le Soleil, protecteur des Tlasmas récompensa les femmes en leur donnant sa grandeur.

Une ombre noire dans les rues de Paris ; volant de toit en toit, elle se dirigea vers l’extérieur de la mégalopole. La cité, au cours des millénaires, avait enflé de façon démesurée, multipliant son volume par vingt fois. Maintenant, l’ancienne capitale était remplie de grattes ciel défiant les lois de la physique par leur hauteurs vertigineuses. La seule sécurité pour leur stabilité résidait dans les énormes poutres métalliques liant les différents immeubles entre eux, formant une complexe citadin très impressionnant et couvrant totalement les rues de toute lumière naturelle ; mais, malgré cela, courir sur les toits restait très périlleux voire insensé car toute chute était mortelle, et l’écart entre les bâtiments devait bien faire dix mètres.
Pourtant, l’ombre courait à en perdre haleine, bondissant au dessus des précipices comme un gamin saute dans une flaque d’eau ; sans y réfléchir...
Enfin, après plusieurs heures de course effrénée, elle atteint la limite précisant la sortie de la vile et elle se dirigea vers l’astroport de la Reine, le plus grand astroport de tout l’Ouest de la Terre. L’astroport de la flotte royale. L’ombre présenta sa lame à l’entrée du complexe et la porte, immense structure de métal, se déplaça à l’aide de ses énormes vérins hydrauliques. Elle rentra dans le premier bâtiment, un hangar rempli de grands destroyers et de barges de combat, chacune contenant respectivement cent et mille
vaisseaux divers dans ses entrailles.
Puis elle alla vers le fond de la grande pièce et sortit par une petite porte. Elle entra dans un nouveau hangar, plus petit, dans lequel des chasseurs, bombardiers, trônaient, vides et majestueux. L’ombre se dirigea vers un des petits vaisseaux et, après l’avoir inspecté, rapidement mais complètement, monta dedans et s’installa aux commandes. Appuyant sur une touche, elle activa l’ouverture de la porte blindée et lança les moteurs de l’appareil. Puis elle démarra et commença à rouler vers l’extérieur. Le chasseur vint se placer sur la piste de décollage et attendit quelques secondes que ses machines chauffent. Enfin, accélérant très rapidement, l’engin décolla et sortit de l’atmosphère terrestre.
Le vaisseau s’arrêta, hors de toute attraction terrestre planétaire, et son pilote réfléchit quelques instants. Il prit alors sa décision et, actionnant la vitesse subliminique, disparut dans l’espace.

– J’ai faim, grommela Torïn.
Personne ne lui répondit.
– Combien de temps allons-nous encore attendre ? continua le Nohirrim.
– Autant qu’il faudra, proposa Gunnm.
– Pourquoi fallait-il qu’elle y aille seule ?
– Est-ce que je ne te l’ai pas déjà expliqué ? demanda le Tuned.
– Si, mais fais-le encore une fois...
Gunnm soupira :
– Nous sommes sur la planète Tlasmis, planète régie par une société matriarcale. Les hommes ont été faits esclaves de leur propre peuple ; la caste assassine, maître sur ce monde, est ennemie – comme toutes les castes assassines entre elles – avec celle de Kao-Lan et, par conséquent, la mienne. Est-ce que ces raisons te suffisent ?
– Hum... Eh bien cela pourrait si ce n’est que...
– Oui ?
– A nous cinq, nous sommes assez puissants pour ne pas être inquiétés par une troupe de Tlasmas, aussi grandes soient-elles, et nous aurions pu y aller pour trouver ce que nous cherchons...
– Bien sûr, à cela près que, comme tu le dis fort bien, nous sommes ici pour trouver une personne... Pas pour bouleverser ou anéantir un système social vieux de... quelques siècles ou pour perpétrer un génocide sur une planète...
Le ton venait de monter de quelques décibels, mais la voix du Martien était restée très calme.
– J’ai faim, répéta Torïn.

Gwenda regrettait sa proposition. Elle la regrettait d’autant plus qu’il lui semblait, et au fur et à mesure que le temps passait cette sensation se confirmait, qu’elle lui avait été induite par Gunnm.
Depuis leur rencontre, le Martien n’avait cessé de l’intriguer. Elle avait voulu en savoir plus sur lui, d’où il venait, savoir comment il pouvait connaître autant de choses. Mais il ne répondait pas à ses questions, il les ignoraient ou, dans le meilleur des cas, lui disait de ne plus lui en poser.
Après tout, ils ne savaient pas grand chose les uns des autres ; même pour Kao-Lan, qui connaissait Gunnm depuis longtemps, ne pouvait pas répondre à toutes ses questions. Le Laotien leur avait dit qu’un jour ils s’assiraient et parleraient longtemps, très longtemps et, qu’à la fin, ils se connaîtraient parfaitement. Ces paroles trottaient dans la tête de Gwenda depuis, aiguisant son impatience...
Pour le moment, elle devait trouver leur sixième compagnon – ou, sûrement, compagne. Mais comment espérer trouver quelqu’un qui sorte du lot sur une planète ? Le Martien lui avait dit de se rendre dans cette ville... Aloas, une petite cité côtière. Mais comment pouvait-il savoir que ce serait celle-ci ? Encore une question sans réponse...
Elle était perdue. Depuis qu’elle avait perdu sa connexion avec la Reine-Mère, elle devait réapprendre beaucoup de choses. Toutes les informations qu’elle allait normalement piocher dans la mémoire de sa Souveraine lui étaient désormais inaccessible et elle ne se rappelait pas grand chose. Tout autour d’elle, des femmes Tlasmas, toutes plus grandes de deux têtes qu’elle. Elles ne semblaient pas prêter la moindre attention à sa personne, comme si elle était une des leurs. Tant mieux, pensa Gwenda. Cela sera plus facile ainsi. Elle déambulait dans les rues, tentant de percevoir la sensation étrange qu’elle ressentait au contact d’un de ses nouveaux compagnons.
De toutes façons, même si je la sentais, je ne pourrais pas savoir laquelle c’est entre toutes ces Tlasmas.
Mais, tandis qu’elle se parlait à elle-même, cela arriva. Le picotement maintenant familier tout le long de la colonne vertébrale, une prise de conscience que quelqu’un était là, quelqu’un qu’elle connaissait. son cerveau lui commanda de regarder vers sa gauche et, obéissant à ses sens instinctifs, elle se retourna, juste à temps pour voir une silhouette – une très grande silhouette – disparaître dans l’ombre d’une ruelle. Gwenda se précipita pour tenter de la rattraper quand elle rentra dans un ventre.
Reprenant ses esprits, elle s’aperçut qu’elle était assise par terre. En face d’elle, une Tlasmas guerrière se relevait :
– Femme-Plante, tu vas regretter ton geste ! cria-t-elle.
Là, se dit la Gersienne, je ne suis plus une des leurs.

Un vaisseau apparut soudainement dans l’espace ; quittant l’hyperespace, il continua son mouvement en vitesse normale et se dirigea vers la planète devant lui.
Pluton : fief des Saigneurs de Guerre centaures. Depuis la découverte des nouvelles planètes, les noms des plus grands dieux romains leur avait été donnés. Mais aujourd’hui, leurs propres peuples avaient imposé à la galaxie les véritables appellations de chacune d’entre elles. Seule la Terre n’avait pas accepté cette “réforme” et avait décidé, contre tous, de garder les noms que leurs
habitants avaient choisis.
A partir de là avait commencé la déviance Terrienne ; les extra-terrestres reçus sur la planète bleue – ambassadeurs ou simple touristes – recevaient un traitement indigne de n’importe quel humain. De l’ignorance à la violence, les Terriens montrèrent toute leur haine de l’étranger. Plus tard, bien plus tard, les gouvernements de l’Est et de l’Ouest décidèrent d’imposer un blocus spatial sur leur propre planète : n’importe quel vaisseau pouvait sortir, mais seuls les Terriens pouvaient rentrer.
Pour le moment, le chasseur Terrien entrait dans l’atmosphère de Mins/Pluton. Des flammes se formèrent autour de la coque de l’appareil, mais elles furent aussitôt maîtrisées par le système de refroidissement. Le vaisseau ralentit enfin, de redressant pour venir se poser, tout en douceur, sur une des plaines gelées de la planète.
La glace fondit un peu autour de la machine qui fumait. Le cockpit s’ouvrit et l’ombre glissa hors de l’appareil. Elle sortit un radar cartographique et chercha la ville la plus proche. Trouvant ce qu’elle voulait, elle rangea le petit engin et partit en courant dans la bonne direction.

Un poing passa de chaque côté du visage de Gwenda. Oulah, ceux-ci ne sont pas passés loin, se dit-elle. La Tlasmas était essoufflée. Depuis un quart d’heure, elle tentait désespérément de frapper la femme-plante et, depuis un quart d’heure, elle n’y arrivait pas.
– Qu’est-ce que tu fais ? cria-t-elle. Bas-toi !
Gwenda évita un coup de pied.
– C’est toi qui a voulu te battre, répondit la Gersienne. Pas moi.
– Peu importe ; le combat ne se finira pas avant que l’une de nous deux soit à terre...
– Ah ? Très bien.
La géante s’arrêta, surprise par la réponse de son adversaire. Celle-ci se concentra deux secondes et, créant des formes géométriques dans l’air avec ses bras, elle se mit en garde. La Tlasmas ne savait pas comment réagir et, avant qu’elle n’ait pu envisager quoi que ce soit, Gwenda partit, disparut aux yeux de tout le monde pour réapparaître à deux centimètres d’elle.
Noir
La femme jaune ne comprit pas ce qui lui arriva. Elle se réveilla par terre, des visages au dessus d’elle. Se relevant, elle vit la femme-plante assise, un mètre devant. Celle-ci lui sourit timidement et fit un geste de la main. La Tlasmas fit un pas vers elle et la domina, l’air mauvais. Un sourire se dessina sur ses lèvres et elle partit d’un grand rire que toutes les spectatrices reprirent en cœur :
– Tu me plais Gersienne. Je m’appelles Zora, quel est ton nom ?

Le feu venait de s’éteindre. Roswill pointa un de ses trois doigts vers les bûches et un rayon de flammes vint en allumer un nouveau. Torïn ronchonnait, grommelant des sons inintelligibles tandis que Kao-Lan aiguisait sa lame sur une pierre qu’il avait rapporté avec lui.
Gunnm apparut dans l’obscurité qui entourait le campement et vint s’asseoir autour du feu avec ses compagnons, fermant le cercle qui s’était formé.
Alors ? lui demanda Kao, sans arrêter son travail.
– Elle est en bonne voie. Je pense que nous aurons bientôt de ses nouvelles.
– Tu la surveilles ? s’étonna le Nohirrim. Je ne pense pas que cela lui plaira quand elle le saura.
– Si elle le sait...
Quand irons-nous lui donner un coup de main ? coupa le Dieu.
– Demain matin... La nuit va être longue pour elle, si j’ai bien reconnu sa nouvelle amie.

– Alors ? Que fais-tu si loin de ta planète natale ? demanda Zora. Je croyais que les Gersiennes étaient connectées à leur Reine ?
Gwenda hésita à répondre. Une larme coula sur sa joue lorsqu’elle repensa à sa douleur quand elle avait enlevé la glande qui la reliait à sa Mère. C’était comme si on lui avait retiré une partie d’elle, une partie de son âme. Comme si les plantes avaient une âme...
– Qu’est-ce qui t’arrive Gersienne ? tu es toute pâle...
– Pourrais-tu arrêter de m’appeler Gersienne Zora. Mon nom est Gwenda, je te l’ai pourtant dit.
La Tlasmas regarda autour d’elle et leva les yeux au ciel, murmurant un mot que la Femme-Plante ne comprit pas. Puis elle revint vers elle et dit :
– C’est très irrespectueux ici d’appeler quelqu’un par son nom. Seule la Reine et ses Championnes ont droit à cet honneur.
– Mais comment faites-vous pour vous appeler entre vous ?
– Nous utilisons notre titre. Tu peux m’appeler Guerrière, mais jamais Zora... Ce nom est réservé à ma famille.
– Pourquoi me l’as-tu donné alors ?
– C’était un signe de respect envers toi, et je suis honorée que tu m’ai donné le tien...
– Très bien, alors tu pourras l’utiliser, car sur ma planète j’étais une des championnes de ma Reine, Mère-Guerrière et Apprentie Kalat.
– Je t’appellerais donc Gwenda, Maître Gersienne. Au fait, tu n’as pas répondu à ma question. Que fais-tu ici ?
– Je suis à la recherche de quelqu’un... Une Tlasmas.
– Quel est son titre ? ou son nom ? peut être la connais-je...
– Je ne sais pas comment elle se nomme, ni quel est son titre. Mais je crois bien l’avoir vue tout à l’heure... Elle se cachait dans l’ombre et lorsque je l’ai vue elle a disparu. C’est à ce moment que je te suis rentrée dedans...
Une expression de peur passa sur le visage de Zora. Elle déglutit et répondit :
– Elle se cachait dans les ombres ?
– Oui...
– Alors je crois connaître son titre...
– Quel est-il ?
– C’est une guerrière de l’Ombre, une tueuse, une fanatique...
– Une Assassin ? De quel Caste ?
– Quelle question étrange Gwenda ; je suis étonnée que tu connaisses l’existence des castes, mais puisque c’est le cas, tu devrais savoir que sur Tlasmis, une seule st présente : les Enfants du Soleil.
– C’est un nom étrange pour des Assassins.
– Les Enfants du Soleil sont très spéciaux. Ce sont des adorateurs de notre déesse : Aravim, fille du Soleil. Ce sont des radicaux qui croient tuer des pêcheurs pour le bien de tous. Mais leur notion dépêché est très large...
– Sais-tu où je pourrais les trouver ?
– Tu dois avoir une bonne raison pour vouloir chercher une de ces tueuses, mais je peux aisément te dire où la trouver. Tout le monde sait où elles se trouvent...
– Et bien ?
– Vas au Temple du Soleil. Ces Assassins sont des prêtresses.
– Très bien. Je te remercie pour ton hospitalité... Guerrière... Mais je dois vraiment aller la chercher.
– Laisse-moi te donner un conseil...
– Oui, quel est-il ?
– Fais très attention à toi Championne et, quand tu seras dans le Temple, regarde toujours derrière toi.
Le Temple du Soleil s’élevait devant elle ; un grand Temple. Pas gigantesque, ni démesuré, mais imposant, assez pour se détacher de toutes les autres maisons.
Aucun garde devant les portes. Gwenda se dirigea vers les marches et monta jusqu’à la double porte de bois. Elle poussa un des deux battants ; celui-ci s’ouvrit sans aucune difficulté et la guerrière pénétra dans le bâtiment.
Dans la pénombre de la salle éclairée par des torches, une tenture sur le mur du fond se détacha, grâce à la lumière qui la ciblait. Elle représentait un Soleil, supporté par un œil, qui envoyait ses rayons sur ses fidèles, petits points en bas de la pièce de tissu.
La Gersienne avança prudemment vers le milieu de la salle et, se souvenant du conseil de Zora, elle jeta un regard derrière son épaule. Deux Tlasmas se cachaient dans l’ombre, l’observant...
Elle se retourna soudainement, faisant face à ces deux ombres quand une lame se glissa sous sa gorge. Une sensation familière s’insinua dans son corps, remonta sa colonne et imposa une évidence à son esprit : c’était leur nouvelle compagne.
– Ne t’avais-je pas dit de regarder derrière toi Championne ?
Une forme se profila sur l’horizon de glace. C’était le seul décor civilisé que l’ombre avait vu depuis deux jours ; le premier point lui permettant de se rallier à quelque chose de rationnel. Depuis qu’elle avait quitté son vaisseau, elle n’avait vu que de la neige et des glaçons.
Les grattes-ciel étaient encore loin, au moins cinquante kilomètres, mais elle s’en rapprochait et son tourment cessait enfin.
L’ombre continua son chemin, une lueur d’espoir ravivant son énergie. Elle ne fit pas cent mètres qu’aussitôt elle s’arrêta. Elle se mit en position de défense et attendit... Deux secondes après, un grognement se fit entendre : en haut d’un petit renflement gelé, une bête apparut. Les Minsiens appelaient cet animal un Kri-Haï, ce qui pouvait se traduire par Dents de Sabre. C’était une créature assez féroce, inoffensive pour un centaure, mortelle pour un homme.
L’animal aperçut l’ombre, elle poussa un hululement lugubre et, prenant appui sur ses pattes antérieures, fit un bond gigantesque pour se jeter sur sa proie. Celle-ci ne bougea pas d’un pouce et, alors que son adversaire arrivait sur elle, elle sauta et tourna à côté de lui, le tranchant en deux avec sa lame. Le Kri-Haï s’effondra par terre : son avant vers la gauche, son arrière vers la droite. L’ombre ratterit accroupie, la lame tendue vers la droite. Elle la rangea dans son fourreau dans un claquement bref.
Puis, reprenant sa course, elle repartit vers la cité.
– Zora ? Qu’est-ce que...?
– Petite Championne, je t’avais dit de rester sur tes gardes, pas de te retourner... Tu n’écoutes pas les conseils d’un amie ?
– Quelle amie ?
Les deux Assassines près de la porte disparurent. Gwenda fit apparaître sa griffe sur son bras droit :
– Si j’étais toi, je ne ferais pas ça Gwenda. Je suis assez bien entraînée pour te couper la gorge avant que tu ne tentes quoi que ce soit.
– Ah oui ?
La Gersienne leva sa main, aussitôt la Tlasmas actionna son arme ; celle-ci se brisa sur le cou de sa cible. Gwenda repoussa le bras de Zora et fit un saut vers la porte, puis elle se retourna. L’Assassine regarda son adversaire : une matière organique, la même que celle de la griffe, recouvrait la gorge de la Femme-Plante. Elle jeta son couteau derrière elle et sortit un épée massive, une lame crantée et acérée.
– Qui es-tu vraiment ? demanda Gwenda.
– Mon nom est Tina, je suis la maîtresse de cette pyramide, Grande Prêtresse de l’Ordre des Enfants du Soleil. Je suis également celle que tu cherches Championne.
Aussitôt, la sensation familière envahit le corps de Gwenda, mais beaucoup plus fortement que les fois précédentes. Elle se ressaisit, reprit son souffle et lança :
– Mais comment se fait-il que je ne t’ai pas reconnue plus tôt ? J’ai passé une grande partie de la nuit en ta compagnie. J’aurais dû ressentir ça...
– Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, depuis que tu as rencontré tes compagnons, tu ne le ressens plus du tout à leur contact : ton corps a appris à s’habituer à eux. Moi j’ai appris à contrôler les signaux émis par mon corps. Tu m’as repérée hier dans la rue, aussitôt j’ai arrêté l’émission et j’ai joué une petite comédie : le personnage de Zora, pour te connaître un petit peu.
– Mais, pourquoi ?
– C’est une des premières règles de notre Caste : “Connais ton ennemi...”
– Tu comptes m’assassiner ? Mais tu dois savoir qui je suis... Qui tu es...
– Le Martien est venu, il m’a parlé de cette histoire de confrérie ; mais comme toi c’est un pêcheur, il paiera un jour.
Gunnm, pensa Gwenda... Il est déjà venu... Que sait-il exactement ? Dès que je sortirais de là, il devra tout me dire, ou alors...
– Très bien, annonça la Championne. C’est comme ça que tu vois les choses. Alors battons-nous...
Tina sourit et se posta dans une garde offensive, un bras levé en arrière, le deuxième replié le long du corps, la lame à la main ; la jambe arrière fléchie et celle de devant tendue.
Gwenda s’installa dans une pose défensive, le visage impassible : un bras devant elle, la jambe avant fléchie et celle de derrière tendue. un bouclier apparut sur son bras gauche.
Les deux femmes s’observèrent quelques secondes... Soudain, Gwenda disparut ; elle réapparut instantanément sur la gauche de son adversaire qui para l’attaque de la griffe avec son épée. Répliquant immédiatement, Tina abattit sa lame sur la Gersienne qui mit son bouclier en travers, mais la Tlasmas, d’un revers, accrocha le bras gauche de la Femme-Plante et l’écarta, permettant à son poing d’atteindre le visage. La Championne partit en arrière, tourna sur elle-même et se rattrapa sur ses mains. Elle tendit son bras en avant et la matière organique s’allongea jusqu’à son ennemie, agrippant l’épée crantée. Chacune tira de son côté, tentant de faire flancher l’autre. Après quelques minutes, la Gersienne fut la plus forte et la lame partit vers elle, tandis que son bras reprenait des
dimensions normales. Elle prit l’arme dans sa main gauche et la matière organique s’enroula autour de la garde.
Tina eut une moue de dégoût et elle inspira. Une pointe osseuse sortit de sous son armure, entre l’avant-bras et la main. Elle se jeta sur son adversaire qui para avec sa nouvelle lame. Gwenda jeta ensuite son bras droit vers le visage de la Tlasmas qui évita, posant une main sur le sol et frappant de son pied la nuque. La Gersienne se cambra et passa sous la jambe ; s’aidant de ses membres supérieurs, elle fit un salto au sol et atteignit le menton de ses deux pieds, envoyant son adversaire se réceptionner quelques mètres plus loin...
La géante sourit et Gwenda lui sourit en retour :
– On dirait que ce combat n’est pas près de finir, dit-elle...
– Bon allons-y, dit Gunnm.
– Déjà ? répondit Torïn, mais je n’ai pas fini mon petit-déjeuner...
C’est ton troisième petit-déjeuner, lui lança Kao-Lan.
– Et ? C’est tout de même un petit-déjeuner.
Les quatre compagnons s’élancèrent sur le terrain accidenté de la banlieue Tlasmas. Torïn, un peu en arrière, finissait une cuisse d’un animal étrange qu’il avait chassé et cuit, tôt dans la matinée. Gunnm l’avait prévenu que cette bête n’était pas comestible, mais cela n’avait pas semblé déranger le Nohirrim qui avait répondu qu’il avait un système immunitaire très développé.
La confrérie entra dans la ville. Ils sautèrent sur les toits et, se déplaçant extrêmement rapidement, ils atteignirent en quelques minutes le centre où se dressait la pyramide des Enfants du Soleil. Gunnm s’arrêta et enjoignit ses compagnons à faire de même. Il leur fit un signe et Kao-Lan disparut dans l’ombre d’une cheminée. Il réapparut moins d’une minute après, deux Tlasmas sous les bras, assommées et désarmées.
Elles nous attendaient dans une ruelle plus bas ; je pense qu’il y en a d’autres.
Le Martien fit un nouveau signe et tous disparurent en un clin d’œil. Alors, il sauta dans la rue et marcha, d’un pas tranquille, vers l’entrée du Temple.
– Tu es très forte Gersienne, dit la géante jaune. Pas une seule de mes attaques n’est passée jusqu’ici.
– Ce n’est pas pour rien que le titre de Championne m’a été accordé. J’étais l’une des préférées de ma Reine.
– Ta Mère t’a créée telle que tu es, n’est-ce pas ? Tu es née Championne...
– Je me souviens de ma vie avant que ma Reine m’en ait accordé une nouvelle.
– C’est impossible... personne n’a été capable de ramener les morts à la vie.
– Mais...
– Ce que ta Reine a fait, c’est te créer et t’insuffler, en guise de mémoire, les souvenirs qu’elle avait d’une de ses connaissances...
– Non ! Je suis moi...
– Depuis que tu t’es enfuie, ne crois-tu pas que tu as été remplacée ?
– Aucune place ne doit être vacante, notre système en dépend.
– Entends-toi parler. Tu es encore beaucoup plus liée à ta Mère que tu ne voudrais l’admettre. Si aucun place ne doit être libre, alors ta Reine a créé une de tes semblables ? Totalement nouvelle ? ou bien est-ce un clone de toi ?
– Je...
– Laisse-moi te montrer...
Aussitôt, Tina, qui s’était approchée doucement de son adversaire tandis qu’elle lui parlait, lui agrippa la tête de ses deux mains et se concentra.

Un blanc immense se fit dans la tête de Gwenda. Soudain, elle se retrouva dans l’espace, voyageant plus rapidement que la lumière elle-même. Autour d’elle, des étoiles à perte de vue et, plus proche que tout les reste, le Soleil, Astre flamboyant. Elle vit les planète se son système solaire défiler devant elle : Solan, Mars, la Terre... Gers...
Elle ne se voyait pas, ne sentait pas son corps ; pourtant, l’attraction de la planète l’attira à elle. Elle fonça droit sur le sol, droit sur l’Arbre Sacré. Un flash blanc occulta sa vison et... Elle se retrouva dans la chambre d’incubation, la chambre de sa Reine. Elle était là : Lana, Reine-Mère de la planète. mais sa forme était toujours celle horrible et abominable qui l’avait quittée lorsqu’elle était partie avec Gunnm. Etait-ce un rêve ? Cela semblait être la réalité... Malheureusement. Devant l’être désincarné se trouvait une Gersienne. Elle se tenait de dos, mais Gwenda pouvait clairement voir qu’elle avait la même coiffure, la même tenue qu’elle. Lana s’adressa à elle :
– Ma fille, tu es née pour diriger. J’ai de grands projets pour toi...
Elle m’a dit la même chose lorsque j’ai vécu ma renaissance, se dit Gwenda.
Regarde encore, lui dit une voix, bien plus réelle que le reste, dans sa tête.
– Gwenda, ma fille, dit Lana. Tu dirigeras ma caste Guerrière. Tu es aujourd’hui Championne de Gers.
Après s’être inclinée d’une façon très étrange, comme si elle était désarticulée, “Gwenda” se retourna. Son visage était celui d’une des abominations. Une progéniture de la nouvelle Reine Gersienne : une Sslassta Méca corrompue...
Gwenda cria, elle hurla et la lumière blanche réapparut faisant disparaître toutes ces visions.

Elle rouvrit les yeux.
Elle était dans le Temple Tlasmas, prostrée dans un coin. Elle essaya de bouger mais cela lui était impossible. Ce qu’elle venait de voir la terrifiait. Elle entendit des voix, très lointaine, mais en même temps extrêmement proches. Elle tenta de lever la tête et, au prix d’efforts démesurés y parvint. Elle vit Tina, debout devant la tenture de l’autel ; elle discutait avec quelqu’un, quelqu’un qu’elle connaissait, qu’elle avait déjà vu...
Gunnm parlait très calmement avec celle qu’elle venait de combattre, celle qui lui avait montré toutes ces horreurs. Gwenda murmura quelques mots... Le Martien l’entendit, se retourna et marcha vers elle. Il s’accroupit.
– Que dis-tu petite Dryade ?
– Ce n’est pas vrai, répéta la Gersienne.
– Je suis désolé, mais ça l’était. J’ai installé cet espion dans la Chambre quand nous y étions ; c’est même la preuve que la Reine est de plus en plus corrompue : avant elle aurait pu repérer le plus petit composant Méca à quelques kilomètres. Les images datent de deux jours...
– Ce n’est plus ma Reine. Ce n’est qu’une des cibles à abattre.

FIN DU CHAPITRE

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