SOLAN (Roswill)
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Introduction : La Chute des Solanges.
Il y a cent siècles, les Solanges vivaient leur âge d’or, autant au niveau technologique et social que physique et psychique. Leur nature pacifiste était l’aboutissement de millénaires de guerres et les Dieux, êtres surpuissants, marchaient parmi les hommes.
Mais un jour, une race, présente sur Solan depuis un bon nombre d’années, passa d’un état primaire animal à un niveau technologique et psychologique assez avancé pour pouvoir faire la guerre en trop peu de temps qu’il n’en faut pour le remarquer. Les Solanges, beaucoup moins préparés à une attaque interne à la planète qu’externe, se firent décimer en quelques jours. Bientôt il ne resta plus que des hommes-lézard sur le sol de la planète et ceux-ci devinrent les maîtres de la planète, la renommant Xlaomin.

Veuillez atterrir dans la place prévue à cet effet, résonna une voix dans la radio.
– D’accord, répondit Gunnm. Demande spéciale de passer outre la quarantaine ; autorisation n°106B.
Autorisation acceptée ; bienvenue sur Xlaomin Maître Noir...
– Maître Noir ? interrogea Gwenda lorsque le Martien coupa la radio.
– J’ai beaucoup voyagé, dit le cyborg. Et les vieilles alliances restent...
– Vieilles ? De combien de siècles ?
Le vaisseau se posa sur la place, au milieu de plusieurs dizaines de vaisseaux Xlaoms. Puis la porte s’ouvrit et les quatre compagnons sortirent sur la planète...
– C’est étrange, dit la Gersienne. je vois des plantes, mais je ne sens pas la nature.
En fait, lui répondit Kao-Lan ; les seules plantes sur la planète poussent sous terre. Ici elles sont artificielles. Les Xlaoms n’ont pas besoin d’oxygène : ils consomment du gaz carbonique.
– Qui devons-nous chercher ? demanda Torïn, ennuyé par la conversation.
– La gravure disait : “le quatrième amènera la puissance du feu”, répondit Gunnm. Logiquement nous devrions chercher du côté des adorateurs de Xtila, Dieu du Feu Xlaom...
– Dieu ? demanda Gwenda.
– Mais t’a-t-on appris quelque chose sur ta planète ? la coupa le Nohirrim, plus qu’exaspéré. Lors de la guerre sur Sol... Xlaomin, certains Xlaoms, plus puissants que les autres se sont autoproclamés Dieux. Ils règnent sur la population d’adorateurs de cette planète. Ici, nous sommes dans Xtila, ville du Feu, majoritairement remplie de sujets du “Dieu” du même nom.
– Donc, d’après vous, c’est ici que nous avons le plus de chances de trouver notre homme... ou femme... Logique, mais nous devrions peut être aller voir ce “dieu” du Feu en premier, non ?
C’est vrai, dit Kao, mais il doit être très difficile à approcher. Notre seul recours serait, apparemment, Gunnm qui semble avoir des relations ici... Gunnm ?
Les quatre amis se retournèrent. Le Martien avait disparu...

Que s’était-il passé ? Milms n’aurait pas pu donner la planète aux centaures. Il était sorti dans le désert, au milieu des combats, accompagné des trois Tuneds et, à quatre, ils avaient massacré au moins une centaine de minsiens...Mais c’était en vain. Les minsiens avaient submergé les Martiens en quelques instants. Maintenant, tous les hauts dignitaires étaient enfermés dans les prisons du Palais.
Pourquoi avait-il laissé les centaures atterrir ? Pourquoi n’avait-il pas ordonné d’ouvrir le feu ? Et où était-il maintenant ? Renig avait vu Milms partir, encadré par cinq chefs minsiens, lorsque les trois Tuneds s’étaient faits tuer...
Depuis, quelques guerriers ennemis l’avaient emporté ici et ils ne pouvait plus rien, sinon réfléchir.
Soudain, une secousse se fit sentir : tout le décor trembla et le plafond de la grotte s’émietta, laissant tomber quelques rochers dans le vide. Puis, une seconde secousse, plus violente, comme si elle était plus proche.
Quelques minutes passèrent quand une violente explosion se forma et, dans un bruit assourdissant, une immense colonne tomba d’une plate-forme lointaine et atterrit, dans un énorme nuage de poussière, sur celle où Renig se trouvait.
La fumée commença à se dissiper et une ombre apparut, courant le long du pont nouvellement formé. Xian, une lame lunaire dans la main, sauta sur la plate-forme et trancha les énormes gaines remplies de fils et tuyaux, désactivant les prisons d’énergie.
Renig alla à sa rencontre et s’apprêta à le remercier mais l’Assassin le devança :
– Les Enfants de Gally renaissent, la rébellion est en marche et a besoin de ton aide Grand Conseiller.
– Mais... Renig encaissa les paroles quelques secondes... Qui ? Qu’est-ce que vous voulez de moi ?
– Sins, Kaon et moi ne nous sommes pas fait capturer ; nous avons tenter de recontacter tous les Anciens qui étaient vivants et libres et enrôlé des plus jeunes mais il nous manque trois personnes. Je pense que pour Milms, il n’y a plus d’espoir mais, c’est là où tu interviens : il faut aller chercher Gunnm... et Maria.

Des guerriers du feu. Partout où ils se rendaient dans cette cité, Gwenda, Kao-lan et Torïn ne rencontraient qu’eux. Ils se permettaient tout : voler des marchandises dans les magasins, bousculer les gens, les accuser des pires maux, les insulter ou bien arrêter n’importe quel innocent pour, soi-disant, aller l’interroger...
Pourtant, malgré leur nombre, aucun n’avait activé le nouveau sens des trois camarades.
Leur longue ballade à travers la ville avait pour but de les amener au Ziggourat de flammes, sorte de temple-palais de Xtila ; mais leur complète ignorance dans la connaissance des rues de la cité les avait en fait perdus...
Ils avaient essayé de demander leur chemin à des passants, Xlaoms ou non. En vain. La présence des soldats les empêchait d’ouvrir la bouche. Ce petit jeu durait depuis quelques heures lorsque Torïn décida de changer les règles : il s’approcha d’un groupe de guerriers du feu et attrapa un des bras qui dépassait. Le Xlaom se retourna avec un air méprisant vers le Nohirrim :
Qu’est-ce que tu veux nohirrim ?
– Où est ton palais homme-lézard ? répondit Torïn, semblant garder son sang-froid.
Fous-moi la paix et débrouille-toi, dit-il en se retournant.
Le petit homme repris le bras dans sa main : le Xlaom eut à peine le temps d’ouvrir la bouche ; il reçut un uppercut dans le menton et, entraînant son collègue, s’effondra par terre. Les deux derniers soldats voulurent sortir une arme et répliquer lorsqu’ils sentirent, l’un une lame, l’autre une griffe, sous leurs gorges.
– Et maintenant, reprit Torïn. Où se trouve votre palais ?

Entrer dans le vaisseau n’avait pas été compliqué. Avec l’aide de Xian, cela avait été un jeu d’enfants ; mais, maintenant, quitter la planète s’avérait légèrement plus difficile. Les croiseurs Minsiens empêchaient toute sortie dans l’espace en entourant la planète.
Renig et Xian n’avait plus d’idées. Ils les avaient toutes épuisées et aucune n’avait la moindre chance de fonctionner. Il n’en restait qu’une à peu près réalisable. C’était foncer en espérant que les Minsiens seraient assez distraits pour réagir trop rapidement.
Les deux amis s’apprêtaient à mettre à exécution ce plan désespéré lorsque l’improbable survint. Quelques vaisseaux : chasseurs, bombardiers, abordeurs arrivèrent par la droite et commencèrent à attaquer les Minsiens, qui ne réagirent pas tout de suite, sous le coup de la surprise. Les petits engins spatiaux volaient tout autour des lourdes machines, tirant, bombardant dans un magnifique feu d’artifice d’explosions. Mais les machines centaures se mirent enfin en marche et répliquèrent, abattant quelques uns de leurs assaillants quand, soudain, d’immenses croiseurs apparurent, sortant de l’hyperespace et, d’où ils étaient, Renig et Xian les reconnurent comme étant Laotiens.
S’ensuivit un immense balai spatial dans lequel l’ennemi, surpris, tentai désespérément de riposter ; mais les hommes bleus n’avaient pas attaqué au hasard : l’assaut organisé avait parfaitement réussi et les croiseurs Minsiens furent détruits, les uns après les autres...
– Allons-y, murmura Xian à l’oreille de Renig. Ils nous ont ouvert la voie.

Le Palais du Feu se dressait devant eux, un immense bâtiment semblant toucher le ciel. La légende voulait que Xtila vivait tout en haut du dôme et, parfois, sortait montrer sa puissance et offrir au peuple un spectacle de flammes...
Aujourd’hui, le seul spectacle auquel pouvaient assister les compagnons était une petite armée de guerriers du feu, tous au garde à vous, avec un Xlaom âgé devant eux.
Étrangers, cria le vieillard avec une voix éraillée. Vous êtes coupables d’avoir attaqué, sans raison, des membres de l’armée du Feu. Je vous déclare en état d’arrestation...
Aussitôt, tous les guerriers se mirent en marche, dépassant leur chef, et avancèrent vers les trois amis.
– Très bien, dit Torïn. Je crois qu’un peu d’action nous manquait.
Il prit sa hache et l’activa.
– Je réprouve ces méthodes, continua Gwenda. Mais je crains que nous n’ayons pas le choix...
Une épée organique apparut dans chacune de ses mains.
Allons-y, finit par dire Kao-Lan.
Il disparut dans l’ombre...
Les guerriers s’approchaient de plus en plus et Torïn s’apprêtait à charger, lorsqu’un cri, long, terrifiant et inhumain, résonna dans toutes les têtes. Tous s’arrêtèrent, cherchant qui l’avait poussé, lorsqu’ils le virent. Il était seul, sur le toit d’une maison, à côté du Ziggourat. Il avait l’air humain, était chauve et ses yeux étaient cerclés de noir ; dans un main, une épée, dans l’autre une flamme commençait à grandir. Il regardait les Xlaoms, fixement... Ceux-ci commencèrent à pousser des cris dans leur langage que ni Gwenda, ni Torïn ou Kao-Lan ne comprirent...
Un autre cri répondit au sien, puis un autre, encore un, plusieurs et, très vite, un vacarme assourdissant envahit la tête des toutes les personnes présentes... Alors, tous purent les voir ; ils sortaient de partout et nulle part. La moindre ouverture, le moindre coin d’ombre. Des hommes et des femmes, très semblables au premier, apparurent et commencèrent à courir vers les Xlaoms, évitant les trois compagnons.
Malgré l’agitation ambiante, Gwenda put voir, tout derrière l’incroyable mêlée qui prenait forme, le vieux Xlaom qui tentait d’entrer discrètement dans le Temple. Elle fit signe à ses deux amis et Kao leur attrapa le bras pour que tous se fondent dans l’ombre. Ils se faufilèrent, dans leur nouvelle forme, derrière la bataille, et entrèrent dans le Ziggourat...

– Bon, la première phase du plan est réussie. Grâce à l’intervention Laotienne nous avons pu sortir de l’étau minsien. Mais je doute qu’ils puissent longtemps les tenir en échec. Les centaures ont une flotte beaucoup plus importante que ça. Ils en ramèneront d’autres.
– Ce qui fait, continua Xian, que cela ne change rien à notre problème. Nous devons trouver Gunnm.
– Mais il doit déjà savoir que nous avons été attaqués. Laoh-Gin était déjà informée ; tout va très vite dans la galaxie...
– Oui, il y a de fortes chances que ce soit le cas ; mais reste Maria... Lui seul pourra la retrouver, personne ne sait où elle est et nous avons besoin d’eux deux...
– Très bien. Je suis entièrement d’accord avec toi, mais... Comment retrouver Gunnm ? A l’heure où nous parlons, il doit faire la navette entre les neuf planètes...
– Alors il faut employer de grands moyens...
– Tu penses à ce que je pense ?
– Certainement...
– Alors c’est d’accord... direction : la Lune...

L’intérieur du Temple était encore plus magnifique et grandiose que l’extérieur. Les yeux se perdaient dans ce dédale de colonnes, d’arches, de sculptures et de flammes...
Le vieux Xlaom tentait tant bien que mal de courir pour rejoindre le fond de l’immense et unique salle de ce rez-de-chaussée. Il clopina jusqu’à une porte qu’il verrouilla derrière lui et les trois poursuivants purent l’entendre monter des escaliers. Ceux-ci s’arrêtèrent alors devant l’ouverture, Torïn prit sa hache et découpa dans l’acier une encadrure à sa taille. un sourire se forma sur ses lèvres alors que Kao-Lan et Gwenda se baissaient pour passer.
Ils montèrent les escaliers quatre à quatre et arrivèrent, au bout d’un temps interminable, devant une autre petite porte, mais en bois cette fois-ci. Le Nohirrim la fit sortir de ses gonds d’un coup de pied... Une petite pièce s’offrit à eux, une sorte de chambre de serviteur avec un lit en pierre et des restes de nourriture dans la poussière sur le sol. De l’autre côté, une deuxième porte et le vieillard, tambourinant dessus :
Mon Dieu, je vous en conjure ; il sont revenus, il faut que vous nous aidiez...
Gwenda, Torïn et Kao se regardèrent, interloqués, se demandant quoi faire... Ils n’eurent pas à attendre longtemps, les événements les prirent de court. la porte s’ouvrit, projetant le Xlaom par terre. Dans un nuage de poussière, un autre vieillard apparut derrière. Un Xlaom, complètement chauve, habillé d’un simple pantalon en cuir et portant une immense barbe... L’autre se releva :
Mon Dieu, je vous en prie...
Est-ce toi qui a eu l’audace de me réveiller serviteur ? le coupa le nouveau venu.
Oui Monseigneur, pardonnez...
Le vieillard lui posa très vite la main sur la tête et, aussitôt, le vieux à genoux prit feu... Un phénomène extraordinaire se produisit alors. Pendant que sa peau brûlait et que les os noircis apparaissaient, son attaquant rajeunissait à vue d’œil. En quelques instants, tout le corps avait été consumé et il ne resta bientôt plus qu’un tas de cendres. Le “Dieu” se redressa, vainquant ses courbatures passées...
Qui êtes-vous étrangers ? demanda-t-il aux trois intrus.
Qui nous sommes n’a pas d’importance... répondit Kao-Lan.
– Ce qui est important, continua Torïn. C’est que tu n’es pas celui que nous cherchons, Xtila, “Dieu” du Feu...
L’interpellé ne répondit pas, mais soudain, un homme fit son apparition dans la pièce, réduisant à nouveau l’espace vide.
– Gunnm ! s’étonna Gwenda. Où étais-tu ?
– Eloignez-vous de lui ! cria le Martien. Il faut sortir de la pièce.
– Pour... ? commença Torïn.
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase : la pièce explosa, projetant les compagnons dans l’escalier. Gwenda se releva et vit des morceaux de pierres, de roches qui restaient en l’air, comme posés sur le vide.
– Qu’est-ce que... ? dit-elle, se retournant vers ses amis...
Torïn, immobile, semblait se concentrer. Tout à coup, il se libéra, comme s’il portait une charge, comme s’il était enseveli, et repoussa les morceaux de bâtiment qui était suspendus dans les airs...
– C’est la Protection Nohirrim, dit Torïn, voyant l’air ébahi de son amie. Je vous protège en permanence depuis Laoh-Gin, mais j’ai dû, ici, booster un peu la puissance.
Il s’arrêta et tous tournèrent leurs regards vers la pièce où ils se trouvaient un instant auparavant. Xtila avait disparu dans la poussière qui formait désormais un nuage... Ils revinrent à l’intérieur et regardèrent par l’ouverture dans le toit créée par l’explosion. Le “Dieu” descendait vers son armée de guerriers du feu en flottant. Pendant que la bataille continuait en bas, d’autres Xlaoms accouraient dans les rues ; d’autres guerriers...
– Mais qu’est-ce qui se passe ici ? pensa tout haut Gwenda...
– L’arrivée aux commandes de Solan-Xlaomin par les Xlaoms s’est faite à la suite d’une usurpation, lui répondit Gunnm. Un peuple vivait ici avant, les Solanges. Ils étaient d’une grande beauté et étaient très avancés, mentalement et technologiquement. L’histoire veut que les hommes-lézard les aient détrônés et qu’ils aient été éradiqués, mais la vérité est tout autre. Les Solanges se sont réfugiés sous terre et n’ont pas cessé de se préparer pour le jour où ils ressortiraient reprendre ce qui leur revient de droit. Nous sommes dans l’Ère de Changement et il était inévitable que cela arrive aujourd’hui...
– Mais cela ne répond pas à la question, continua la Gersienne. Où étais-tu ?
Je pense, lui répondit Kao-Lan, que notre martien était avec ces Solanges et que cela faisait longtemps qu’il les connaissait...
Gunnm avait raison. L’attaque avait été soigneusement préparée pendant des siècles d’exil.
Les Solanges étaient restés toutes ces années sous terre, dénaturant totalement leur apparence physique et s’adaptant aux nouvelles conditions d’existence qui leur avait été imposées. Tout ce temps leur avait permis de méditer sur eux-mêmes, de réapprendre la science des armes qu’ils avaient fini par oublier et à prévoir le jour où ils pourraient ressortir à la lumière du jour et se venger des Xlaoms...
Les quatre compagnons avançait avec peine dans les tunnels souterrains. Ils avaient suivi Gunnm dans les galeries toujours fraîches ; de longs couloirs créés par les Solanges pour attaquer en plusieurs points de la planète.
Comme à son habitude, le Martien n’avait pas été très loquace. Il n’avait pas nié les paroles de Kao-Lan. A quoi bon ? Après tout c’était la vérité... Mais il ne se décidait toujours pas à parler franchement avec eux. A Kao, il aurait peut être pu tout lui dire, mais ils étaient un groupe : si l’un était au courant, tout le monde devait l’être.
Nous arrivons, dit le Laotien, sortant Gunnm de ses pensées.
Les couloirs étaient noirs, aucune lumière ne filtrait à travers la terre, pas une ouverture, mais les quatre guerriers étaient surentraînés, ils avaient depuis longtemps appris à s’habituer très vite à la nuit permanente. Kao-Lan qui avait une meilleure vision avait pu voir en premier la salle souterraine vers laquelle ils se dirigeaient.
C’était une immense salle, des dizaines de Solanges semblaient y vivre ; plusieurs habitations précaires, creusées dans la roche, étaient vides, mais pas depuis longtemps. Au milieu de la salle, un gigantesque escalier menait à une grosse ouverture tout en haut. Une entrée de maison qui était décorée, révélant l’importance de son habitant. Au bas de ces marches se tenait un gros homme caressant une boule de poils et de dents, assis (ou avachi) sur un trône de pierre recouvert de tissu. L’homme – ou plutôt le Solange – semblait immobile, arrêté par ses kilogrammes de graisse.
Gunnm se dirigea droit devant lui et s’agenouilla. Il prit la parole :
– Je demande à parler au Dieu du Feu.
Le gros Solange sembla enfin remarquer le Martien et il fit un geste de la main dans sa direction. Soudain, il jeta sa tête en arrière et ses bras se raidirent comme s’il était pris de convulsions. Gunnm fit signe à ses amis de ne pas bouger et de le laisser faire. Enfin, le Solange s’arrêta. Il ramena sa tête, les yeux fermés. Quand ils les ouvrit, ils étaient totalement noirs. une voix s’éleva dans leurs têtes et les quatre compagnons sentirent enfin ce qu’ils étaient venus chercher ici, cette sensation étrange qui parcourait leurs corps : c’était leur cinquième partenaire...
Les Xlaoms étaient terrorisés. Les Dieux leur avaient toujours dit que ces ordures de solanges étaient tous morts, qu’ils s’étaient tous fait exterminer lors de la Libération de Xlaomin. Alors pendant les derniers siècles, ils avaient négligé leur entraînement, s’étaient vautrés dans la luxure de leur nouvelle condition de maîtres de la planète... Cette attaque était beaucoup plus qu’une surprise pour eux ; c’était une punition...
La deuxième raison pour laquelle ils étaient effrayés, c’était Xtila, le Dieu du Feu. il volait au dessus de ses troupes, imposant sa présence dans tout le quartier. il donnait des ordres aux guerriers qui se battaient contre les Solanges et il tuait ceux qui fuyaient, n’admettant aucune lâcheté dans ses rangs.
Certains Solanges avaient bien essayé de l’atteindre avec des projectiles, mais une protection de flammes brûlait tout ce qui l’approchait à moins de cinq mètres...
Xtila, confiant, affichait un sourire sournois et méprisant. Il était invulnérable, intouchable. Il était... un Dieu... Soudain un cri suivi d’un sifflement d’air l’attira. il se retourna juste à temps pour voir une boule de feu se précipiter vers lui. il tendit alors la main en avant et répliqua. Sa flamme détruisit la boule.
Regardant d’où venait cette attaque, il le vit alors... Se soulevant du sol dans une aura de feu, il se porta au niveau de son adversaire.
Salut à toi Ami Martien, dit la voix.
Mais cette voix sortait du gros homme, malgré ses yeux révulsés et son indéniable raideur, le Solange bougeait sa bouche (autant qu’il le pouvait) en même temps que les paroles atteignant les esprits des quatre compagnons.
– Mais ce n’était pas lui, dit Torïn. J’en suis absolument certain. Quand nous sommes arrivés, je n’ai rien ressenti. Pourtant, je sens maintenant que c’est lui...
– C’est tout à fait normal, répondit Gunnm. le Patriarche est, comment dire... Possédé par l’esprit de son Dieu : Roswill, Maître du Feu.
– Mais où est-il ce Dieu ? demanda Gwenda. Est-il mort ?
Je vais très bien, dit la voix. Merci à vous de vous en inquiéter Amie Gersienne. Je suis, en ce moment, dehors et j’affronte Xtila, faux dieu et chef des usurpateurs xlaoms...
La voix, en disant cela, traduisait la haine accumulée pendant des siècles par le peuple Solange...
– Es-tu prêt ? demanda le Martien.
Oui Ami Martien. Je savais que tu viendrais aujourd’hui et tout a été préparé. Cette attaque n’était que la première ; ces chiens de xlaoms n’auront pas le temps de reprendre leurs esprits.
Un silence s’installa pendant lequel tous réfléchirent à ce que cela impliquait. un puissante nation allait être défaite pour laisser la place à des barbares frénétiques. Etait-ce cela le changement qu’ils devaient empêcher ? Pourtant une de leurs futurs compagnons était acteur de cette révolution.
Gunnm se retourna vers eux et leur dit :
– Ce ne sont pas nos affaires. Cette guerre a été commencés il y a cent siècles et n’a jamais été terminés. Ce ne sont pas ceux que nous devons combattre.
Je te remercie Gunnm, continua la divinité Solange. Laisse-moi mener à terme ma mission et nous pourrons partir...
Ce n’était pas un solange. En tous les cas pas un des solanges qui attaquaient la ville. Il était humanoïde mais la ressemblance s’arrêtait ici : ses mains n’avaient que trois doigts, son visage étrange n’était pas humain ; pas d’oreilles, pas de nez, pas de bouche. De grands yeux complètement noirs et, au menton, deux excroissances pointues.
Xtila fouilla dans sa mémoire. Il avait déjà vu des êtres comme lui, mais où ? L’étrange s’approcha de lui et se maintint à sa hauteur. Les deux adversaires se lancèrent un regard noir, toute leur haine se confrontait. Soudain, ils se jetèrent l’un sur l’autre et se portèrent, chacun, un coup de poing enrobé de flammes...
Les deux mains s’entrechoquèrent dans une magnifique explosion. Les deux “déités” portèrent coup sur coup, imitant leur adversaire instinctivement. Les genoux, les pieds, les mains, les coudes. Tous produisaient une formidable gerbe de flammes à chaque fois qu’ils se touchaient. Le rythme commença à prendre une vitesse insensée, chaque combattant espérant qu’il serait plus rapide que l’autre et que, ainsi, un de ses coups passerait la garde...
Soudain, c’en fut trop pour le Xlaom et il ne put éviter l’attaque de son adversaire. Il se prit un poing enflammé dans le menton et partit dans les airs. Il se stabilisa quelques mètres plus loin, assez vite pour voir le Solange lui foncer dessus, poings en avant... Xtila évita l’attaque, sautant par dessus l’être étrange. Les deux combattants se stoppèrent et s’examinèrent du regard.
Qui es-tu ? demanda le dieu Xlaom...
Ta mémoire te joue des tours usurpateur. Ou peut être est-ce la cryogénisation ?
Je t’ai déjà vu, mais où ?
Soudain, une lueur s’éclaira dans la tête du faux dieu, il venait de trouver. Mais cela remontait à plusieurs siècles. Sans cryogénisation, il n’aurait pas pu survivre... A moins... qu’il ne soit vraiment... un Dieu...
Roswill le regarda, un air malicieux sur le visage. Il le toisa, semblant rire malgré l’absence de bouche. un moment Xtila hésita, il se demanda s’il serait à la hauteur pour ce combat ; mais il se ressaisit bien vite. Ils les avaient déjà battus une fois, pourquoi pas deux ?
Reprenant ses esprits, ils faux dieu joignit les mains devant lui. Il se concentra et une énorme boule de feu apparut. Épuisé par l’effort qu’il venait de produire, il prit quelques secondes pour souffler. Le Solange le regardait, semblant s’amuser de ce que son adversaire tentait de faire. Soudain, le Xlaom poussa un cri et envoya la boule à toute vitesse sur son ennemi, un sourire narquois au coin des lèvres :
Evite-ça si tu peux ! cria-t-il.
Le Dieu du Feu reprit un “air” sérieux et s’immobilisa...
Tu ne survivras pas à cette attaque, lui lança Xtila. Même toi...
La boule enflammée n’était plus qu’à quelques centimètres du Solange, quand celui-ci, d’un revers du bras, la renvoya se perdre dans les airs. Pendant qu’il faisait cela, le Xlaom crut entendre quelque chose : un cri, une sorte de hurlement résonna dans son crâne et tint tous ses membres, l’empêchant de bouger. l’usurpateur, comme l’avait appelé son adversaire était tétanisé. Il avait réussi à contrer son attaque...
Tu as enfin compris, lui dit la voix dans sa tête. Tu n’es rien, faux dieu... Rien de ce que tu tenteras n’aura d’effet, je suis beaucoup plus puissant que toi...
Xtila tomba vers le sol. Il était impuissant face à une divinité. Toute son arrogance avait disparu. Roswill s’approcha lentement de lui. Il le regarda pleurer et, sans se brusquer, leva un poing enflammé devant son visage. il l’abattit et trancha la tête de son ennemi...
Levant la tête, il vit le Soleil de lever. Il était rouge. Rouge comme le sang qu avait été versé aujourd’hui. Les Solanges reprendraient leur place sur leur monde. Ce n’était que le commencement. Se retournant, il vit une navette approcher. Gunnm et ses amis venaient le chercher...
FIN DU CHAPITRE

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