LAOH-GIN (Kao-Lan)
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Introduction : La Malédiction des Laotiens.
Autrefois, un homme se présenta à une tribu de Laotiens. Il était, d’apparence, très semblable à eux, mais de nombreux détails différaient. Notamment les articulations des genoux inversées, ainsi que des excroissances en forme de piques traversant la peau sur tout le corps.
Il s’adressa au peuple de Laoh-Gin par le moyen de la télépathie. Il leur dit qu’il s’appelait Mao-San et qu’il était venu leur montrer la voie de la civilisation et de la raison.
Pendant trois générations, les Laotiens apprirent de Mao-San à construire des villes, à se défendre et attaquer, à vivre en communauté beaucoup plus grandes, malgré les différences sociales, culturelles et physiques. Il leur apprit également des notions qui leur étaient totalement inconnues, comme celles de : Divinité, régner ou injustice... A la fin de cette fulgurante ascension, les Laotiens eurent vent, par certains de leurs semblables qui ne les avaient pas suivis, qu’une bête monstrueuse tuait ; d’abord des animaux, puis les leurs...
Les Laotiens vinrent voir Mao-San pour lui demander de détruire cette bête tueuse. Mao-San promit et, pendant un certain temps, on entendit plus parler de ce monstre. Mais il revint : des meurtres semblables se perpétrèrent dans les cités.
Une fois encore, les Laotien appelèrent Mao-San qui leur promit de faire stopper ces meurtres. Mais rien ne se passa. Alors, ils décidèrent d’arrêter eux-mêmes cette créature en la traquant.
La chasse dura une semaine avant qu’enfin, la bête soit acculée, entourée, prise au piège... On put enfin voir à quoi elle ressemblait... C’était une parodie de Laotien qui se tenait devant les chasseurs. la créature marchait à quatre pattes et était plus velue qu’eux. Une queue battait l’air, des piques parcouraient sa colonne vertébrales et ses oreilles étaient démesurément longues et pointues.
On tenta alors de la tuer mais elle se défendit et réussit à blesser et même à tuer certains de ses oppresseurs avant de succomber à des nombreuses blessures.
Cependant, la bête, mourant, changea ; et tout le monde présent à cet instant put voir la vraie nature de l’agresseur. C’était Mao-San...

La nuit, sur Laoh-Gin, personne ne sortait de chez lui. Que ce soit dans les cités ou même dans les villages, pas un Laotien n’aurait risqué son “nez” dehors.
Mais malgré ce qui était (ou ce qui se disait), Kao-Lan devait sortir et aller à ce rendez-vous...
Il y avait deux jours, les Enfants de la Nuit l’avaient envoyé dans la capitale de Laoh-Gin pour exécuter un ambassadeur Nohirrim ; mais alors que le contrat touchait à sa fin, il fut contacté par un de ses pairs, lui demandant de revenir ici... Dès qu’il avait su ce qui l’attendait, il avait pris un télétransporteur ; il ne s’était pas du tout occupé du fait qu’il faisait nuit. Un hurlement glauque et télépathique le fit se figer... Ils étaient là...
Dans la rue, en dessous de lui, il sentait qu’ils venaient vers lui, qu’ils l’avaient, eux aussi, senti... Les Rrähaïorrhmnas sauvages attendaient maintenant que Kao tombe des toits sur lesquels il courrait, ou que l’un d’entre eux, moins fainéant que les autres, monte le chercher.
Il n’avait pas le choix. Il devait en vaincre un afin de montrer sa supériorité devant les autres...
Utilisant la télépathie, Kao-Lan lança un défi à un des Rrähaïorrhmnas afin de ne se battre qu’à un contre un. Les autres comprirent ce signal et l’autorisèrent à descendre pour cette confrontation. L’assassin atterrit en face de son adversaire et lui transmit un message :
Je suis Kao-Lan, Maître de la Nuit. Qui es-tu esprit ?
Je m’appelle Len-San, du clan San... Je réponds à ton défi, Gähaïo.
Les deux combattants n’hésitèrent pas une seconde. Chacun se jeta sur l’autre avec une rapidité et une puissance hors du commun. Len tenta de porter un coup au torse mais Kao, dégainant sa lame, para et repoussa le coup, tout en en donnant un du revers de son épée. Len-San se jeta à nouveau sur l’assassin, mais celui-ci disparut tout d’un coup dans la nuit. Le Rrähaïorrhmna se réceptionna sur le sol et chercha son ennemi dans le pénombre de la rue. Il ne vit pas l’ombre se découper derrière lui comme si elle était vivante ; elle lui sauta dessus et lui entoura la gorge de son bras. Len se débattit et se secouant dans tous les sens, ce qui eut pour effet de démasquer son agresseur. L’ombre recouvrant Kao-Lan se détacha se son corps, comme l’eau d’un chien qui s’ébroue, et rejoignit le sol.
Mais il ne lâcha pas pour autant sa cible. Il continuait à serrer la gorge de Len-San ; puis, alors que le Rrähaïorrhmna commençait à perdre conscience, il stoppa son étreinte et plongea des mains télépathique dans le crâne de son adversaire, lançant une attaque psychique très violente.
Il vit alors l’esprit de Len-San. Il lui apparaissait comme des volutes d’énergie dansant dans un espace illimité, paraissant totalement libres de leurs mouvements mais, en même temps prisonniers des connexions que le cerveau commandait.
Il commença alors à chercher, se déplaçant sous la forme d’un être psychique ; il regardait tout autour de lui, en quête du bon endroit dans l’âme de son opposant. Alors, il vit. Il vit deux choses. La première était ce qu’il voulait : un lien entre deux sphères d’énergie, retenant la conscience de son ennemi ; mais la deuxième...
Il n’aurait pas dû voir cela. Jamais il n’avait voulu le faire d’ailleurs... Mais c’était fait. Le choc de cette révélation l’avait abasourdi. Reprenant tout de même vite ses esprits, il se rendit compte qu’il devait agir car sinon, il serait éjecté par son adversaire qui comprendrait enfin ce qui lui arrivait. Il fila alors vers cette connexion et, d’un revers de sa lame psychique, il la trancha...
Sortant de la tête de Len-San, il réintégra son corps, seulement quelques millièmes de seconde après l’avoir quitté. Le Rrähaïorrhmna s’effondra sur le sol, inconscient.
Les autres monstres, voyant cela, prirent leurs pattes à leur cou et détalèrent dans les rues de la ville... Kao-Lan resta debout quelques minutes, les yeux levés vers le ciel étoilé. Il réfléchit à ce qu’il venait d’apprendre... Il devait garder cela pour lui seul ; personne ne devait savoir, lui-même n’aurait pas dû savoir...

Grand Conseiller Renig !
Renig alluma le poste de réception sur son bureau. C’était celui qui lui permettait de communiquer avec le service s’occupant de l’armée. En effet, sur Mars, l’armée faisait entièrement partie de l’administration ; c’était une des branches sous le contrôle du Grand Conseiller qui dépendait directement de l’Empereur. L’homme qui venait de lui parler à travers la machine était une sorte de secrétaire qui s’occupait exclusivement des demandes militaires.
– Qu’y a-t-il ? demanda Renig.
Le Maître Xian demande à vous voir pour vous parler... Hum... Il ajoute que c’est urgent et que... il ne toléreras aucun refus...
Xian était bien le maître de Gunnm. Il avait le même caractère indépendant ; mais lui obéissait aveuglément aux ordres...
– Fais-le entrer.
... Quand il les acceptait.
Xian entra par une grande porte située sur la droite du Grand Conseiller. Il ouvrit les deux battants exactement en même temps, d’un geste théâtral. C’était peut être cela son plus grand défaut, pensa Renig. La théâtralité...
Le Maître Assassin effectua une magnifique révérence, faisant décrire à sa cape un parcours majestueux autour de lui. Il se releva en souriant devant l’exaspération du Conseiller.
– Arrête tes génuflexions. Tu n’as aucun besoin de jouer à ça...
– Excuse-moi, répondit Xian. Mais un Grand Conseiller doit être salué avec les honneurs dus à son rang...
– Oui surtout lorsque nous nous connaissons depuis vingt ans... Bon, que se passe-t-il ? N’étais-tu pas parti en mission ?
– Effectivement, et j’aurais atteint mon objectif...
– Déjà ! le coupa Renig, mettant plus d’anxiété dans son ton qu’il n’aurait voulu...
– Oui ; un maître sent son disciple où qu’il soit dans l’Univers. C’est en partie pour cette raison que j’ai accepté cette mission.
– Et ?
– Échec Total.
– Il ne t’as pas tué ?
– Il ne l’a pas voulu.
– Comment ça ? Est-ce qu’il est...?
– Oui. Gunnm a dépassé mon niveau. Depuis longtemps et largement... Ce n’est pas étonnant lorsque l’on sait qu’il est le fils de...
Le vieil homme lui fit signe de se taire et, pour une fois, Xian lui obéit immédiatement.
Un silence gêné s’installa, mais fut très vite brisé :
– Que vas-tu faire ? demanda le Conseiller.
– C’est pour cela que je suis directement venu te voir.
Xian tendit sa main, faisant apparaître, comme par magie, un morceau de papier. Renig le prit, méfiant, le lut et releva les yeux. Xian avait disparu.

Kao-Lan apparut progressivement sur le transporteur local. Dès qu’il le put (physiquement) il jeta un coup d’œil extrêmement rapide dans la pièce mais ne vit que des personnes connues? Que des Enfants de la Nuit, la Fraternité d’Assassins la plus importante de Laoh-Gin.
Il se dirigea immédiatement vers le fond de la salle, rendant au passage les saluts qu’on lui adressait. Il composa alors le code télépathique du sas et entra.
Toutes les têtes se retournèrent à son entrée et un homme se leva :
Comment vas-tu mon frère ? dit-il télépathiquement.
Kao-Lan tendit le bras et Gunnm le serra dans le sien.
Moi, ça va, s’efforça-t-il de répondre, tentant d’oublier ce qu’il savait. Mais toi ?
Pour l’instant, je n’ai été attaqué qu’une fois, par Xian... Mais cela va sûrement s’accélérer et nous serons bientôt ennuyés toutes les secondes.
Alors ça a commencé.
Oui, tout se confirme...
Ce sont eux ? demanda Kao en désignant les seuls extra-laos de la salle.
Oui.
Gunnm se retourna et s’adressa à Gwenda et Torïn :
– Mes amis, voici Kao-Lan, assassin des Enfants de la Nuit et notre quatrième homme, comme vous avez pu le constater et le sentir.
– Mais... tu le savais ? demanda la Gersienne.
– Bien sûr, répondit Gunnm. Le fait que nous soyons “élus” ne date pas d’hier. C’est inscrit dans nos gènes...
– Je crois que tu nous dois une petite explication Martien, dit Torïn. Tu dois déjà en savoir beaucoup pour nous avoir amené directement dans ce repère de tueurs.
Quelques Laotiens firent un mouvement en direction de leurs armes aux paroles du Nohirrim qui grommela, mais Gunnm les arrêta.
– Tu as raison, Torïn de la famille Torïn. Je vais vous expliquer mais, auparavant, je tiens à te prévenir que nous sommes tous, ici, des Assassins et que ta rancune ancestrale envers le peuple de cette planète n’a aucun lieu d’être lorsque tu es entouré d’amis...
– “Amis”, grogna le Nohirrim...
– Bien, asseyons-nous :
Lorsque j’ai intégré cette fraternité, j’ai dû, pendant une de mes premières missions, me rendre sur Laoh-Gin. Je me suis alors rendu dans ce... “repère de tueurs”...
– Bah, “amis”, continua Torïn...
– Et j’ai rencontré Kao-Lan qui était entré ici quelques années avant moi. Notre amitié a été immédiate, mais, plus que ça, nous sentions qu’il y avait autre chose derrière. Nous avions l’impression de nous connaître depuis longtemps, depuis toujours en fait. Nous nous sommes alors posé des questions et nous avons mené quelques expériences, notamment au niveau génétique et moléculaire... Nous avons alors appris que tous nos chromosomes deux de la cinquième paire, tous sans aucune exception, dans tout notre corps, portaient la même séquence de nucléotides, le même gène.
Ce gène, également responsable de l’aura dégagée lorsque l’on combat, commandait à la synthèse de signaux très spéciaux, réceptibles uniquement par ces mêmes gènes, et assez puissants pour traverser le corps et émettre à dix mètres.
Mais nous ne savions pas pourquoi nous, seulement, possédions ces gènes. Alors nous avons cherché ce qui pouvait nous rapprocher dans le passé.
– Et...? demanda Gwenda.
Peine perdue, répondit Kao-Lan. Gunnm ne connaît que sa mère dans sa famille, et elle-même était amnésique.
– Mais nous avons tout de même tenté quelque chose. Nous sommes partis à l’aveuglette dans les archives Martiennes, cherchant des renseignements sur un indice, même minime. C’est là que nous avons trouvé ce vieux temple dans la capitale.
– Celui dont tu nous as parlé ? Celui dans lequel ton ami t’a emmené ?
Gunnm hocha la tête.
– Mais je croyais que c’était lui qui t’avais tout appris...
– Je lui ai menti. Je savais tout, parce que je venais de visiter le temple. J’allais partir à votre recherche lorsque tout a commencé.
– Mais, commença Torïn. Combien de temps avez-vous mis pour trouver cela ?
Cinquante ans...
– Cinquante ? s’exclama Gwenda.
Oui. C’est la recherche qui nous a pris le plus de temps ; et puis nous avions d’autres choses à faire...
– Quel âge as-tu Kao-Lan ? demanda la Gersienne.
Cent cinquante-deux ans, répondit le Laotien.
– Sais-tu quel âge a Gunnm ?

Renig arriva enfin au vieux temple.
Quelle coïncidence que Xian l’ait amené ici. Coïncidence ? Impossible, il y avait forcément une raison.
Le Maître Assassin l’attendait, perché sur les débris d’un mur, assez haut, la cape volant au vent, le capuchon rabattu sur le visage. Il ne changera jamais, pensa le Conseiller.
– Que veux-tu ? lança-t-il. Pourquoi m’as-tu demandé de venir ici ?
– La première raison... est, comme tu me l’as rappelé en me disant de me taire, qu’il fallait un endroit sûr ; la seconde est que Gunnm m’avait parlé de ce temple une fois.
– Et que t’avait-il dit ?
– Il m’a dit qu’il contenait les réponses à beaucoup de questions.
– Il t’a dit ça quand tu l’as combattu...
– Non, répondit Xian, légèrement surpris. Bien avant.
– Mais... il savait ! s’exclama Renig.

Le jour se leva sur Laoh-Gin ; Gunnm n’avait pas beaucoup dormi cette nuit, comme beaucoup de nuits avant celle-ci. Il avait discuté avec ses nouveaux compagnons et, à la lumière de ces nouvelles informations, ils avaient cherché ce qui pouvait les rapprocher ou, plutôt, ce que leurs ancêtres pouvaient avoir fait pour qu’ils possèdent tous les quatre cette... “particularité”.
Gwenda n’avait qu’une seule ancêtre connue : Lana, mais jamais elle n’avait su ce que la Reine-Mère cachait comme secrets, ni ce que pouvaient être les anciennes Gersiennes. Kao-Lan avait beau chercher aussi loin qu’il pouvait, aucun ancêtre au delà de cinq générations ne lui était connu et, parmi eux, aucun n’avait été un être “particulier”.
La seule chance de trouver quoi que ce soit aurait pu être exploitée par Torïn, mais ce dernier, nouvellement informé de sa condition, et très peu à l’aise parmi tous ces Laotiens, était plus que réticent à donner des informations sur sa famille qu’il connaissait pourtant d’un bout à l’autre de son arbre généalogique.
Bien sûr, Gwenda avait demandé à Gunnm si sa mère était encore vivante, pour qu’ils puissent lui demander si elle ne savait pas quelque chose ; mais, comme elle l’avait attendu, Gunnm ne donna aucune précision sur elle, ni sur lui-même. Depuis le début, il lâchait les informations au compte-goutte.
Torïn bailla exagérément et Gwenda se tourna vers lui pour lui lancer un regard noir mais, soudain, la porte s’ouvrit et un Laotien, complètement recouvert de cuir noir et des lames “cria” :
Les Rrähaïorrhmnas ! Ils sont là ! Dans la rue !
Tous les Laotiens, ainsi que Gunnm, se levèrent d’un coup et commencèrent à parler très vite.
Torïn, sortant de son état renfermé, attrapa le Martien par le bras et lui demanda :
– Qu’est-ce qu’un Rayaromna ?
– Un Rrähaïorrhmna. C’est la malédiction de Laoh-Gin...
Un des assassins se retourna vers eux :
Je ne crois pas qu’il soit très convenu de parler de cela à un nohirrim...
– Tais-toi, le coupa Gunnm, tandis que Torïn grognait... Il a le droit de savoir et, peut être combattra-t-il avec vous...
– Alors...
– Ce sont des Laotiens “sauvages”. ils forment des tribus en dehors des villes et viennent attaquer le nuit. Tous les Laotiens sont, potentiellement, des Rrähaïorrhmnas, mais ils ne se transforment, la première fois, que s’ils tombent en frénésie...
Après, leur esprit devient mauvais et ils tuent pour le plaisir, après s’être transformé en démons. Mais rassure-toi, tu n’as rien à craindre ici, jamais aucun assassin n’a rejoint leurs rangs.
Torïn regarda autour de lui, inquiet, tandis que les Laotiens le regardaient, esquissant ce qui semblait être un sourire, vengeur et cruel.
– Pourquoi attaquent-ils ? demanda Gwenda. Tu as dit qu’ils ne venaient que la nuit.
– Honnêtement, je n’en ai aucune idée. C’est sûrement un nouvel effet du Changement. Les autres peuples ; je veux dire, tous les peuples non-humains ; commencent à utiliser le Méca sur eux-mêmes. Cela doit être ce qui se passe avec les Rrähaïorrhmnas.
Nous n’avons plus le temps de parler, les coupa Kao-Lan. Écoutez...

Les minsiens attaquent, rugit une voix dans les haut-parleurs du Palais. Tous à vos postes ; les soldats dans les hangars.
Ca y est, pensa Renig. Nous n’avons rien pu empêcher, malgré nos efforts. Depuis le début ils ne voulaient qu’attaquer.
Le Grand Conseiller se dirigea vers la salle de contrôle, depuis laquelle l’État-Major dirigeait et coordonnait les batailles spatiales. Tout le monde était déjà là : Milms et les plus grands commandeurs de l’armée. Dans la pièce, un immense écran retransmettait les vidéos satellites montrant les croiseurs Minsiens.
– Majesté, s’annonça Renig.
Milms, Empereur Martien, se retourna et le Conseiller ne put s’empêcher un geste de recul. Son regard n’avait pas changé, il avait même empiré : les cernes étaient de plus en plus noires et de plus en plus prononcées ; ses yeux, petits et méchants, semblaient enfoncés dans leurs orbites et il arborait un sourire cruel, dévoilant des dents très blanches et pointues. Tout son visage était devenu
livide, mais pas maladif ; ses cheveux étaient blancs et les marques sur ses pommettes, noires.
– Très bien, annonça-t-il. Tout le monde est là. Bien, commençons...
– Dois-je ordonner à notre flotte de sortir mon Seigneur ? demanda un général, un humain d’une soixantaine d’années, couvert de médailles.
– Non Commandeur, lissez notre flotte là où elle est...
– Devons-nous armer la batterie anti-spatiale ? continua le deuxième homme, un cyborg large et haut, avec une longue chevelure rousse...
– Non. L’Empereur marqua une pause devant l’air interrogatif de ses seconds. Nous combattrons sur le sol Martien.

Une voix étrange, sombre et grave mais totalement pénétrable, résonna à l’intérieur de tous les êtres présents dans la ville :
Écoutez bien Laotiens ; je suis Gen-San, du clan San. Notre soumission à votre caste est terminée. Le pouvoir du Jour n’a plus d’effet, nous allons régner sur vos vies.
Tous les Assassins se précipitèrent dehors ; déjà, des guerriers se battaient contre les créatures. Des créatures nettement plus grosses que celle qu’avait affrontée Kao-Lan pendant la soirée. Celles-ci semblaient plus terrifiantes, plus fortes et plus implacables que jamais. Mais, au centre de tous les combats se tenait un Rrähaïorrhmna, plus petit que les autres mais dix fois plus remarquable. Il se tenait debout, cependant il ne ressemblait plus vraiment à un Laotien : sa peau était devenue violet-cramoisie et la quantité impressionnante de mutations rendait sa nature exacte indéfinissable. Il était entouré par plusieurs Rrähaïorrhmnas, plus normaux ceux-ci, et Kao-Lan cru reconnaître, parmi eux, celui qu’il avait affronté la veille.
Sortez de chez vous, recommença la voix de Gen-San. Il ne vous sera d’aucune utilité de combattre.
Gunnm lança un regard à Kao qui répondit d’un hochement de tête. Les deux compagnons sautèrent sur le toit d’une des maisons et commencèrent à courir vers le chef des attaquants.
Torïn lança à Gwenda :
– Viens...
Et ils suivirent les deux assassins dans les rues de la ville.
– Gen-San ! cria Gunnm sans prendre l’effort d’utiliser la télépathie.
L’hybride se retourna vers lui mais il décida de ne pas s’en occuper. Il fit un geste à ses “gardes du corps” qui se précipitèrent sur le Martien. En deux bonds ils atterrirent sur le toit et encerclèrent les deux amis. Ils commencèrent à tourner lentement autour d’eux, en se rapprochant, grognant et montrant leurs crocs.
Soudain, l’un d’eux sauta vers ses proies mais le Laotien fut plus rapide. Il tira sa lame de sa ceinture et, décrivant un large cercle, le découpa en deux.
Les trois autres créatures ne semblèrent pas le remarquer et continuèrent leur sinistre ronde. Gunnm leva son épée devant lui, droite, et se figea. Les Rrähaïorrhmnas choisirent leur moment et passèrent à l’attaque. Deux se jetèrent sur Gunnm et le dernier, encore plus gros, plongea sur Kao.
Gunnm évita chacun des sauts mais resta dans la même position. Ses adversaires tentèrent une seconde attaque, sans résultat. Le Laotien, lui, attaqua avant même d’avoir reçu celle de son ennemi. Il sauta sur lui en poussant un cri de guerre et tenta d’atteindre le cou du monstre. Sa lame se planta de quelques centimètres dans la créature qui n’avait pas encore prévu de parer. D’un mouvement de tête, il se débarrassa du cure-dent et de son propriétaire. Kao-Lan, ratterrissant sur ses deux pieds, lança une attaque télékinésique sur le Rrähaïorrhmna qui recula de dix pas, mais resta sur ses pattes. Celui-ci asséna un coup de griffes, mais le Laotien le para avec sa lame. Alors Kao sembla disparaître en utilisant la même technique que contre Len-San ; il se fondit dans le décor et sauta sur la tête de son adversaire, bloquant son esprit pour qu’il ne le sente pas.
Il plongea dans l’âme du monstre et recommença le même travail mais, ici, il alla chercher le noyau du cerveau, le centre de toute son activité et le débrancha...
Il revint dans son corps et lâcha la créature qui tomba, mort... Alors l’Assassin jeta un œil vers son compagnon et regarda son combat. Gunnm avait les yeux fermés, les bras le long du corps et la lame vers le bas. La défense parfaite, songea Kao, mais les Rrähaïorrhmnas vont tomber dans le panneau.
Le premier prit son élan et sauta sur son adversaire ; avant de ratterrir, il était déjà découpé en morceaux. Le deuxième hésité un instant, ne sachant pas ce qu’il venait de se passer, et ce fut cette hésitation qui lui coûta la vie. Gunnm, dans un geste parfait, sans faille, sauta en tournant sur lui-même et, ratterrissant , abattit sa lame sur le sol, à plat, dans une gerbe d’étincelles et de sang. Le
Rrähaïorrhmna était mort, tranché en deux tout le long du corps...
Le Martien se releva et se retourna à nouveau vers le chef de l’invasion :
– GEN-SAN ! cria-t-il. Maintenant que ta “garde” personnelle gît, peut être daigneras-tu m’accorder une contredanse...
Gen-San grogna et, d’un bond puissant, vint se poser en face du Tuned, s’enfonçant de
quelques centimètres dans le sol...
– Vas combattre aux côtés des tiens, mon ami, dit Gunnm à Kao-Lan. Quand je te rejoindrais, nous partirons pour Solan avec Gwenda et Torïn.
Le Laotien hocha la tête et descendit dans la rue, épée à la main. Le Maître Rrähaïorrhmna partit d’un grand rire...
Tu crois vraiment que je vais te laisser continuer ta Quête insensée, martien ? Je crois que tu me sous-estimes beaucoup ; j’ai quelques surprises pour toi...
Kao-Lan courut dans les rues de sa capitale. Il se dirigea vers le palais, tuant les quelques créatures qu’il trouvait sur son chemin.
Enfin, il arriva. Dans la première enceinte, une concentration beaucoup plus importante d’assaillants se battaient contre les Assassins qui étaient venus défendre le bâtiment.
Puis il le vit...
Mi-Lan, Seigneur des Plaines, Grand Roi de Laoh-Gin. Il se battait au milieu de ses troupes, projetant une aura de courage aux guerriers...
Kao-Lan, se sentant galvanisé par la présence de son Seigneur, poussa un long cri télépathique. Tous les Gähaïos présents l’entendirent et reprirent cet appel au combat avec lui. L’Assassin saisit une de ses lances et se jeta dans la mêlée. Il la planta dans la tête du premier Rrähaïorrhmna qui vint à lui et, saisissant sa lame à deux mains, il trancha deux autres créatures avant de se retrouver aux côtés de son Roi...
Loué soyez-vous, Ô Grand Roi, dit-il, continuant à donner des coups d’épée. Grâce à vous, nous vaincrons.
Sais-tu d’où vient cette attaque, Fils de la Nuit ? demanda Mi-Lan.
Leur chef se nomme Gen-San, répondit Kao-Lan. Le Martien Gunnm l’affronte en combat singulier...
Gen-San ? Du clan San ?
Oui Monseigneur.
Alors ça y est. Ils sont revenus...
Vous savez majesté ?
Bien sûr... Nous parlerons de cela après la bataille...
Gen-San n’avait pas menti. Il était puissant. Très puissant. Peut être même plus que Kao-Lan ou Mi-Lan.
Depuis le début du duel, c’était lui qui avait mené la danse, assénant coup sur coup, ne permettant aucune ouverture au Martien. Enfin, il s’arrêta... Gunnm se releva et fit face au chef Rrähaïorrhmna, reproduisant la même pose qu’avec ses subordonnés.
Gen-San partit d’un grand rire :
Tu crois que ta défense minable pourra m’arrêter ? Je ne suis pas un de ceux que tu viens d’affronter. Je suis Gen-San, chef du clan San et Maître de Laoh-Gin.
– Essaye, et tu verras bien...
La créature, sans une once d’hésitation, attaqua Gunnm, mais celui-ci, au lieu de contre-attaquer comme il l’avait fait, évita le coup et sauta dans les airs. Il se stabilisa et lança son épée. Undalgüden, tournant sur elle-même, commençant à changer de forme. Elle se rétrécit et s’aplatit jusqu’à devenir une massive hache qui se planta dans le bras de Gen-San lorsque celui-ci tenta de l’envoyer ailleurs.
Le maître San ne cria pas. Il saisit la hache par le manche et la retira, sans broncher, et la jeta par terre.
C’est tout ce dont tu es capable martien ? Je m’attendais à mieux. Maintenant que tu n’as plus ta lame, que comptes-tu faire ?
– Je crois que tu me sous-estimes également San. Je te prépare quelques surprises aussi...
Gunnm rapprocha ses mains l’une de l’autre et se concentra. Quelques dixièmes de seconde plus tard, son corps entier était recouvert de plasma. Tout en restant silencieux, il se déplaça, à une vitesse invisible pour l’œil humain, juste devant son adversaire et, avec un uppercut, l’atteignit au menton et le fit voler trente mètres plus loin. Gen-San se releva, se massa les poings et dit :
Voilà quelque chose de plus amusant... Allons-y...
Les deux opposants se jetèrent l’un sur l’autre. Le premier effectua un coup de pied, en volant en arrière ; le deuxième, un double coup de poing croisé. Les deux guerriers furent projetés en arrière, mais les deux restèrent sur leurs pieds. Gen-San généra une boule électrique dans sa main droite et la lança. Très rapidement, Gunnm envoya un jet de plasma vers le projectile et une formidable explosion s’ensuivit... Dans la fumée se dissipant, les deux ennemis disparurent, puis réapparurent immédiatement, au milieu de leurs points d’origine.
Gunnm bloqua le bras de Gen-San tandis que lui arrêtait la jambe du premier. Une mêlée s’ensuivit, dans laquelle bras et jambes frappaient son opposant qui bloquait chaque coup. Le rythme s’accéléra progressivement jusqu’à atteindre une vitesse qui ne permettait pas la moindre erreur. Soudain, un coup de genou du Martien passa la défense du Rrähaïorrhmna et l’atteignit au ventre.
Gen-San se plia en deux et Gunnm effectua un magnifique coup de pied retourné, envoya San trois maisons plus loin...
Pendant qu’il se relevait, le martien ramassa son arme qui se transforma en katana et l’attacha dans son dos ; puis, abandonnant son bouclier de plasma, il joignit les mains et commença à murmurer :
– Mxyrplz Blnpa...
Aussitôt une bulle d’énergie se forma autour de lui et commença à grossir.
Mais Gen-San, qui s’était rétabli, fonça sur lui. Il passa la bulle et... s’immobilisa, les traits et muscles déformés par la douleur.
Qu’est-ce que tu as fait ? articula-t-il avec grand peine.
Gunnm ne répondit pas. Il écarta les mains et les tendit devant lui, en direction du monstre. Gen-San hurla de douleur alors que son corps semblait résister sous une pression très importante.
Qu’est-ce que c’est ? recommença-t-il, lâchant ses mots avec des grimaces de douleur...
Toujours pas de réponse.
Le Martien écarta les doigts, et les membres de son adversaire se détendirent avant d’être immédiatement tirés violemment.
Nouveau cri.
Tout à coup, toute force relâcha le Rrähaïorrhmna et il tomba sur le sol avec un grand bruit. Gunnm ratterrit et commença à marcher lentement vers son opposant. Il glissa sa main sous la tête de Gen-San et lui prit le menton. Approchant son visage du sien, il dit :
– Tu as relâché ta concentration, je sais tout de toi...
Torïn et Gwenda revinrent en courant vers le Palais. ils y trouvèrent Kao-Lan et d’autres assassins qu’ils avaient rencontrés pendant la nuit. Un autre Laotien était également présent, un homme qui dégageait un charisme naturel très important. En regardant plus attentivement, ils s’apperçurent que les assassins formaient un cercle de défense autour de lui.
Tout autour d’eux, des cadavres de Rrähaïorrhmnas jonchaient le sol, mais aucun de Gähaïo. Kao-lan discutait avec l’homme.
– Laotien ! appela Torïn.
Kao se retourna, reconnaissant la voix bourrue de son nouveau compagnon.
Ami Nohirrim... Quelle est la situation ?
– Plus aucun monstre ne traîne dans vos rues et, s’il en existe encore de vivants, ils ont décampé...
Ce ne sont pas des monstres, Nohirrim, dit l’homme. Mais nos semblables.
– C’est votre problème, répondit Torïn. Pas le mien. Où est Gunnm ?
Montre un peu plus de respect au Seigneur des Plaines, dit un des assassins.
Ce n’est rien, dit Mi-lan. Votre ami se bat contre Gen-San du clan San. Il tente de prendre le problème à la racine en cherchant dans l’esprit de son adversaire ce qu’il veut.
– Comment le savez-vous ? demanda Gwenda.
Mon esprit peut voyager beaucoup plus loin que vous ne l’imaginez, amie Gersienne. Je suis beaucoup plus vieux que vous et ai un peu plus d’expérience et de maîtrise de mes pouvoirs.
– Mon corps est jeune, répondit l’intéressée, mais mon esprit est âgé...
Un silence s’installa, mais il semblait que Mi-Lan continuait de parler, apaisant les esprits qui l’entendaient.
Nous devons aller chercher un vaisseau, dit soudain Kao-Lan
– Le mien a sauté à l’atterrissage, dit Torïn. Mais ne devons-nous pas attendre notre Martien ?
Nous l’attendront dans un vaisseau. Notre départ doit être immédiat. Nous aurons de moins en moins de temps.
– Que se passe-t-il ?
Les Minsiens ont débarqué sur Mars.
– Monseigneur ! appela Renig, avec une voix pressée... MILMS !
L’Empereur se retourna, un sourire carnassier sur les lèvres.
– Qu’y a-t-il Monsieur le Premier Conseiller ?
– Nos troupes ne tiendront pas longtemps face à ces brutes. La différence est nette. Nous sommes formés au combat ; eux sont nés pour ça...
– Très bien. Alors soyons fiers de notre héritage acquis et montrons à ces centaures qui est le Maître ici...
Milms partit d’un grand pas de son poste et passa la porte. Renig, d’abord surpris, le rejoignit dans le couloir :
– Où allez-vous ?
– Je vais au front ; ordonnez aux Tuned G7, G8 et G9 de se tenir prêts.
– Prenez un transporteur dans le statioport du Palais, dit Mi-Lan...
Merci majesté, répondit Kao-Lan en s’agenouillant.
– Bien, alors ? demanda Torïn. On y va ?
Les trois compagnons commencèrent à courir vers leur nouveau moyen de transport. Gwenda, elle, avait néanmoins besoin de détails :
– Pourquoi ton Roi a dit que ces monstres étaient vos semblables ?
Une vieille légende dit que ces malheureux étaient autrefois des Laotiens, comme moi. Mais après s’être fait mordre par un Rrähaïorrhmna, ils en sont devenus...
– Mais n’y a-t-il pas un moyen de lever cette malédiction ? Et pourquoi se battent-ils contre vous ?
– Pour ta première question, nos scientifiques sont, tous les jours, en train de tenter des expériences en ce sens. C’est une des raisons de notre faible avancement technologique. Personne ne cherche à produire de nouvelles choses.

Un blanc s’installa.
– Et ma deuxième question ?
Désolé, Gwenda. Je ne souhaites pas répondre... Pour l’instant du moins.
– Chacun ses secrets ami, continua Torïn. Finalement toi et moi ne sommes pas si différents que ça.
Nous arrivons, dit Kao-Lan, semblant sourire à la remarque du Nohirrim. Je penses qu’un jour tous ces secrets seront révélés...
FIN DU CHAPITRE

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