Introduction
: c’est
l’épisode de la libération de Mars du joug terrien.
Le Roi de l’Est de la Terre : Tolin,
avait réussi à conquérir Mars au bout de quelques
mois de guerre. Il instaura une monarchie absolue, se décrétant
Roi de la “province” de Mars. Pendant vingt années
de règne tyrannique, un groupe de résistants – appelés
terroriste par le gouvernement terrien – qui agissaient sous le
nom des “Enfants de Gally”, réussit à tenir
l’armée terrienne en échec grâce à une
technique de combat ancestrale : le Panzer Kunst. Au bout de cette période
de misère pour le peuple Martien, les leaders des Enfants de Gally
réussirent à forcer l’entrée du palais impérial
et à y pénétrer ; mais Tolin fut très prompte
à réagir et, malgré la mort de toute sa garde rapprochée,
il attaqua le chef des rebelles. Ce furent deux autres résistants,
un frère et une sœur, qui s’étaient mis en travers,
qui la reçurent. Ils moururent sur le coup. Le seigneur terrien,
ayant perdu son effet de surprise, s’enfuit de la planète,
la laissant de nouveau à ses vrais habitants.
Le chef des rebelles instaura alors la première caste et, par la
même, le système qui régirait Mars. Il fut élu
Empereur Martien à l’unanimité de sa population. |
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Gunnm
était couché sur son lit. Ils regardaient, au travers de
l’immense fenêtre
au dessus de lui, le paysage Martien. Un océan de désolation.
D’ici, tout ce que l’on pouvait voir était un désert
de sable rouge, et c’était d’ailleurs tout ce qu’il
y avait sur Mars... Au loin quelques montagnes délimitaient les
régions de ce continent, et indiquaient un des rares lacs dans
sas hauteurs.
Gunnm repensait à sa soirée. Dans un bar très fréquenté
par l’armée Martienne, quelques guerriers avaient un trop
arrosé une permission et, l’un deux, oubliant toute discipline
s’était approché de lui afin de le provoquer, connaissant
la partie émergée du statut de Gunnm (comme les simples
militaires de base). Bien sûr, au cours du combat qui suivit il
n’avait rien pu faire, même pas frôler son adversaire
et, Gunnm, un peu exaspéré, l’avait froidement exécuté,
sans aucun état d’âme. Le bar s’était
alors vidé très vite, mais Gunnm ne s’était
pas attardé, préférant rentrer dans sa chambre.
Il n’éprouvait aucun regret. Après tout c’était
ce que pour quoi on l’avait formé. Il se leva soudain, se
dirigea vers le fond de la pièce carrée, prit sa tenue de
combat, une combinaison et une armure, puis revint de l’autre côté,
et passa le sas, qui s’ouvrit automatiquement sur le couloir et
de referma derrière lui. De longs couloirs
parcouraient les étages du palais impérial Martien. Des
arches en demi-relief recouvrait des murs en pierres.
Sur le chemin, il croisa plusieurs hommes qui, eux, le reconnurent et
s’écartèrent, s’inclinant légèrement
(par respect ou par peur). Ayant parcouru une petite centaine de mètres,
il s’arrêta devant un nouveau sas, attendant qu’il s’ouvre
et rentra dans la salle.
immense, elle contenait une grande table en verre et ovale. Plusieurs
personnes étaient déjà assises sur des chaises –
en verre
également – et la plupart se retournèrent à
son entrée. Le conseil avait déjà commencé.
Continuant son chemin jusqu’au fond de la pièce, Gunnm se
plaça à côté d’un homme, apparemment
plus âgé que lui, et habillé de la même armure.
Celui-ci bougea la bouche tout en restant dans la même position
– c’est à dire droit comme un “i” –
et murmura à l’adresse de son voisin :
– Gunnm, tu as dépassé les bornes !
– Désolé pour le retard Kaon,
répondit l’intéressé, dans la même position
que son interlocuteur. Je dormais...
– Je ne le crois pas, le coupa Kaon. Tu ne dors jamais. Ton retard
au Conseil n’est pas important. Nous sommes habitués. Ce
qui est inadmissible, c’est ta conduite d’hier soir.
– Je le sais, mais, comme d’habitude, personne n’osera
dire quelque chose.
– Si, moi. Depuis le début du mois, tu deviens de plus en
plus exécrable pour tous les soldats de l’armée.
– Ah ! s’exclama Gunnm (en chuchotant toujours), feignant
la surprise. C’est pour cela que tout le monde s’écartes
sur mon passage dabs les couloirs...
– Ne fais pas l’imbécile. Tout le monde t’évite
toujours partout où tu vas... Qu’est-ce qu’il t’arrive
? Pourquoi agis-tu ainsi ?
– Nous en avons déjà discuté Kaon, alors tu
le sais parfaitement.
– Alors, si c’est encore cela, va voir Renig. Je ne suis au
courant de rien.
– J’irais lorsque ces maudits conseillers s’octroieront
une pause. |
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Lurker
aimait ce qu’il faisait... Depuis toujours il aimait fouiner un
peu partout. Son propre corps, modifié par des éléments
bioniques, lui avait permis d’optimiser ses capacités, un
œil électronique, lui permettant d’adopter plusieurs
visions, une main androïde transformable en plusieurs outils : perceuse,
passe-partout.... et même son dos courbé sous le poids de
son énorme
sac, ainsi que sa petite taille, lui permettait de se faufiler là
où il le voulait. Lorsqu’il était enfant, on le qualifiait
de curieux, mais aujourd’hui cela tournait à l’obsession,
voir à la perversion. Il avait eu quelques problèmes d’ailleurs,
sa “curiosité” insatisfaite lui avait valu de rester
dans les geôles Martiennes pendant un mois, jusqu’à
ce que Gunnm vienne le sortir de là. C’était la première
fois
qu’il l’avait rencontré et cela avait donné
une nouvelle orientation à sa vie : avant, il fouinait pour son
propre compte et, maintenant, c’était pour celui de son sauveur.
Ce dernier l’avait contacté récemment pour lui demander
de jeter un œil – voire les deux – sur ce qui se passait
dans le palais Impérial. Mais pour l’instant, il n’avait
rien trouvé d’intéressant, quelques ragots à
raconter pendant une soirée à l’auberge, mais rien
qui pourrait retenir l’attention de son ami. C’est alors qu’il
vit une porte. Pas n’importe laquelle, c’était celle
donnant sur les appartements des invités, en ce moment, les minsiens,
ennemis de la nation, mais venus dans l’espoir de faire cesser une
guerre longue et sanglante.
Lurker sortit de son sac un étrange objet ; une sorte de gros fil,
presque un câble, avec une sorte d’entonnoir métallique
et électronique à un bout, et une prise de l’autre.
Il le brancha alors sur la partie de son crâne qui correspondait
à peu près à son oreille. Posant ce qui semblait
être l’écouteur du stéthoscope sur la porte
blindée, il écouta :
– Cette demande de paix doit
cacher autre chose mon Saigneur. Nous nous battons depuis des années....
Des siècles pour leur peuple. Je penses qu il y a un piège.
– Depuis quand penses-tu Masi ? répondit une autre voix.
Ne t'inquiètes pas, je sais parfaitement ce que ce revirement peut
signifier, d'autant plus qu’ils doivent savoir que je viens toujours
en personne. Je suis sur mes gardes.... Je ne pourrais expliquer pourquoi
l’empereur martien a changé d’avis tout a coup, mais
je tiens a en profiter. As-tu entendu les rumeurs qui courent sur son
état de santé ?
– Oui, tout le monde en parle dans ce palais, sans se préoccuper
du fait que nous soyons la. Les martiens disent que leur roi est atteint
d’une étrange maladie qui emporterait son esprit loin de
son corps...
– Exactement ! Je vais profiter de cette... absence pour permettre
à notre peuple de conquérir cette planète...
– Le traité ?
– Tu es définitivement plus intelligent que je le pensais
Masi, mais tais-toi, ou tu le regretteras amèrement...
– Mon Saigneur ?
– Tu m’ennuies Masi... Qu’y a-t-il ?
– Le papier passera par les mains de tous ces martiens, comment
comptez-vous leur cacher le subterfuge ?
– La technologie Techno-organique me permettra de cacher les paragraphes...
mmh... disons utiles... jusqu’à ce que j’en décides
autrement...
Lurker, surpris par
tout ce qu’il venait de découvrir – beaucoup plus que
ce qu’il aurait voulu entendre – eut un mouvement de recul
mais, perdant l’équilibre, il laissa se déverser le
contenu de son sac sur le sol. Un vacarme indescriptible retentit dans
les grands couloirs du palais. Le fouineur jeta un regard affolé
vers la porte des appartements minsiens et, dans un mouvement de panique,
prit ses jambes à son cou et s’enfuit en courant. |
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Gunnm
avait profité de la pause pour entraîner Renig,
le Grand Conseiller Martien dans le couloir. Son interlocuteur était
un homme grand et maigre, il n’avait jamais eu recours à
une quelconque chirurgie (plastique ou cybernétique) et faisait,
ni plus, ni moins, que l’âge qu’il avait. Les cheveux
gris et les traits tirés ne laissait aucune équivoque sur
la vie mouvementée du politicien. Il portait des vêtements
très simple, une grande cape avec une capuche et des grands morceaux
de tissu pour affronter le désert, comme beaucoup d’autres
Martiens.
La question de Gunnm l’agaçait au plus haut point. Premièrement,
il n’avait jamais voulu le privilégier, et ce n’était
pas aujourd’hui qu’il allait commencer. Deuxièmement,
il n’avait pas été renseigné sur l’objet
de la discussion :
– Tu n’as pas à connaître les détails
sur les missions classées secrètes Gunnm, répondit-il,
même si ton statut.... très spécial t’autorise
certains écarts.
– Je le sais bien Renig, et jamais je ne me permettrais de te demander
une telle faveur, mais ici, c’est un cas très spécial,
tu dois t’en douter. Et...
L’agent interrompit sa phrase et regarda autour de lui. Tout d’un
coup, Lurker apparut au détour d’un couloir. Il regarda derrière
lui et se précipita vers son protecteur avec une démarche
pour le moins étrange. Gunnm et Renig se penchèrent alors
vers lui :
– Gunnm... Il faut que je te dises... commença le fouineur,
essoufflé.
– Quoi ? Que se passe-t-il ?
– Les minsiens.... ils...
– Calme-toi, continua Renig.
– Le traité...
Lurker s’arrêta brusquement. Il regarda derrière lui
et se cacha près de Gunnm. Ce dernier jeta un œil vers l’endroit
d’où venait son étrange ami. Le champion
du Roi Minsien, un grand centaure massif, portant quelques plaques d’armures
et une dizaine de petites cornes sur le front, s’approcha du petit
groupe de Martiens et se dirigea vers Gunnm. Il se planta juste devant
lui, marquant bien la
différence de taille entre eux deux.
– J’ai des affaires à
régler avec ce crapaud... Laisse-le moi.
– Pas question, répondit
le Martien. Il est ici sous ma protection. Si tu le veux, il faudra me
passer sur le corps.
– Ne me tente pas, cela pourrait
se produire. Écarte-toi...
– Je penses que tu devrais
t’écarter.
Les deux “hommes” se regardèrent, yeux dans les yeux.
La tension était palpable. Une voix dans un haut-parleur annonça
la reprise du conseil ainsi que la signature du traité de paix
Minso-Martien.
– Tu réentendras parler
de moi martien...
Masi repartit vers ses appartements.
– Bien, reprit Gunnm
en se retournant vers Lurker. Que me...
Il avait disparu... |
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La
signature du traité n’intéressait pas du tout Gunnm.
Pour lui, les Minsiens ne signaient le pacte que pour avoir le temps de
reformer une armée et réattaquer lorsque Mars s’y
attendra le moins. Pendant que les personnes présentes autour de
la table discutaient plus ou moins fort, ils réfléchissaient
à propos de ce qu’avait essayé de lui dire Lurker.
Il avait parlé des Minsiens et du
traité ; il voulait sûrement l’avertir d’un découverte
qu’il avait faite, quelque chose d’assez important pour que
les Minsiens veuillent s’en prendre à lui ; quelque chose
sur le traité. Avec la technologie techno-organique, il était
aujourd’hui possible de “corriger” un traité
comme celui-ci, changer certaines clauses et les faire disparaître
ou apparaître à volonté. Mais comment être sûr
que ces suppositions étaient bien fondées. Gunnm attendit
que le traité passe dans les mains de tous les conseillers et que,
enfin, il arrive dans celles de Milms,
Empereur Martien.
Celui-ci, comme depuis un certain temps, posa dessus un regard vide, étrange.
Il semblait le lire sans le regarder. Gunnm profita de cet état
second pour le lire tout à son aise, tandis que les conseillers
Martiens, un peu gêné, jetait des regards paniqués
vers leur souverain. Le traité ne recelait aucun changement –
en tous les cas, aucun changement visible. L’agent, à l’aide
d’une commande mentale, changea sa vision afin de détecter
tous les composants électroniques présents dans la salle.
Posant son regard sur la feuille entre les mains de l’Empereur,
il put enfin voir les lettres ajoutées par les Minsiens :
“J’autorise, en ma qualité d’Empereur Martien,
élu par le peuple de Mars, les Minsiens à investir notre
planète et à en devenir les seuls maîtres, disposant
ainsi du peuple et des territoires comme ils le souhaiteront.”
Gunnm soupira. Milms aurait dû voir cela. Son corps de cyborg, comme
le sien avait la capacité de repérer la technologie techno-organique
et, ainsi, prévenir ce genre de “complot”. Mais son
état actuel ne lui permettait sûrement pas de réagir
normalement. Que faire ? L’Empereur, sortant de sa transe, s’apprêtait
à signer le traité. Agissant aussi vite qu’il le put,
le Martien tendit la main vers la table. Renig, le remarquant, se retourna
:
– Que se passe-t-il ? Tu veux dire quelque chose ?
Une boule de feu se forma instantanément à cinq centimètres
de sa main levée. Les conseillers et les Minsiens se levèrent
et reculèrent, chacun croyant que cette attaque lui était
adressée. La boule partit d’un coup et atteignit la feuille
posée sur la table qui fondit en même temps. Malgré
ce qui venait d’arriver juste sous nez, Milms ne semblait toujours
pas vivre, mais le chef
Minsien, lui, n’avait rien raté de ce qui s’était
passé. Il s’avança d’un pas et cria :
– Le traité de paix entre nos deux planètes vient
d’être détruit par l’un des vôtres. Pour
nous ce n’est, ni plus, ni moins qu’une déclaration
de guerre. Ce sera l’apocalypse ici même, sur votre maudite
planète.
Les Minsiens tournèrent
sur leurs sabots et sortirent de la salle.
C’est à ce moment là que Milms choisit de sortir de
sa léthargie. Il vit la table fondue juste devant lui, ainsi que
les cendres du traité. Il se leva et se retourna vers Gunnm :
– Agent Tuned G2 Gunnm, tu vas être traduit en cour de justice
martiale pour avoir détruit le traité de paix entre Mars
et Mins. As-tu quelque chose à dire pour ta défense ? |
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La
salle de jugement
était plongée dans le noir. Tous les conseillers étaient
là – y compris Renig, à la gauche de Milms –
attablés à un bureau de verre sur lequel était inscrit
l’insigne des Enfants de Gally, une lame par dessus un G. Une lumière
éclairait par dessous chacun des conseillers, et un projecteur
était braqué, depuis le plafond, sur l’accusé
: Gunnm.
Milms, en tant que Juge du procès, commença à parler.
– Tous les éléments sont contre toi. Tu m’as
exposé tes arguments, mais ton histoire du complot Minsien ne me
convient pas. Ils ont accepté de signer ce traité, ils étaient
dans le palais, surveillées en permanence. Ils n’auraient
pas pu modifier une seule molécule de cette feuille. Je penses
que tu n’en as pas assez de tuer, tu voulais que cette guerre continue
pour étancher ta soif de sang, le meilleur moyen que tu aies trouvé
était de détruire cette feuille au plein milieu de la réuni.
– J’ai cité comme témoin Lurker, répondit
Gunnm. Et je vous ai demandé d’analyser les restes du traité,
afin de vérifier si des composants électroniques étaient
oui ou non présents.
– Cela a été fait, dit un conseiller. Lurker a été
retrouvé dans la ville basse. Mais il n’est plus en état
de dire quoi que ce soit. Quand à ces examens, ils n’ont
rien révéler de suspect.
– Les Minsiens sont repartis chez eux, et maintenant, quatre croiseurs
sont en approche. Tu as mis toute ta population en danger Gunnm, en danger
de mort...
– Je peux répondre à cette accusation par une autre
accusation Milms.
– Vas-y, répondit l’Empereur avec un sourire malicieux.
– Au cours de ces dernières années, ces années
où tu as régné, je t’ai protégé,
j’ai combattu à tes côtés dans de nombreuses
guerres, tu n’ignores aucunement les sacrifices que ma famille a
fait pour toi et cette planète. Je te faisais confiance, et tu
me faisais confiance. Mais depuis quelques mois, et tout le monde l’a
remarqué, tu as radicalement changé d’attitude. Jamais
tu n’aurais accepté ce traité avec les Minsiens, jamais
tu n’aurais intenté un procès contre moi. Tes actions
t’ont fait
perdre tout ce que tu avais acquis, ta popularité entre autres...
Je soupçonne...
– Quoi ? s’exclama Renig, étonné.
– Je soupçonne une entité, humaine ou non, de te contrôler,
de commander tes actions.
Un énorme silence, beaucoup plus insoutenable que n’importe
quel brouhaha s’installa dans la pièce. Mais Milms ne comptait
pas briser ce silence avant qu’il en ait envie.
– Ce n’est pas en accusant tes accusateurs que tu pourras
te sortir de là. Ton plaidoyer était inutile. La folie et
la soif de sang ont pris le pas sur ta raison. Les faits sont là,
hier encore, tu tuais deux guerriers Martiens.
Messieurs les conseillers, je vous ai exposé ma requête,
maintenant c’est à vous de prendre une décision. Enfermons
cet homme dangereux pour notre société, il ne doit pas pouvoir
se promener en toute liberté sur le sol de notre planète
et tuer des innocents en toute impunité.
Chaque conseiller était déjà acquis à la cause
de Milms. Tous avaient peur de Gunnm. Lui était là depuis
beaucoup plus longtemps qu’eux et il savait que Milms n’aurait
jamais pris une telle décision. Les conseillers votèrent
en secret et le verdict fut découvert : seule la voix du Grand
Conseiller se prononçait contre les accusations de Milms ; mais
même si Renig occupait une place
plus importante dans ce tribunal, cela ne suffit pas à aider Gunnm.
L’Empereur, d’un geste, ordonna aux gardes d’emmener
le nouveau prisonnier. Avant de disparaître de la lumière,
Gunnm parla une dernière fois, assénant chacun de ses mots
dans les
esprits de ses adversaires :
– Je reviendrais vous prouver que j’avais raison. Vous êtes
gouverné par quelque chose qui vous dépasse. Je vous montrerais
que j’ai raison... |
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Les
prisons Martiennes, situées sous le palais, dans des grottes immenses,
vestiges de lacs souterrains, étaient réputées pour
leurs cellules
coupant tout contact avec les énergies de l’Univers, interdisant
l’utilisation de tout pouvoir. Sur des plates-formes naturelles,
dressées au milieu du vide, les cellules, construites à
l’aide d’une technologie très ancienne mais pourtant
démontrée très efficace jusqu’à présent,
produisait un champ magnétique empêchant tout contact avec
l’extérieur et créant, à l’intérieur,
un espace où il était impossible d’utiliser n’importe
lequel des pouvoirs connus.
Gunnm avait été emmené dans une de ces cellules après
qu’on lui ait retirer son armure et son équipement. Soudain,
il entendit un sas s’ouvrir au loin. Il se retourna en direction
du chemin menant à la sortie de la salle et vit un homme s’avancer
vers lui en marchant d’un pas pressé. Il le reconnut au bout
d’un moment, c’était Renig. Celui arriva enfin devant
la cellule.
– Je suis vraiment désolé de ce qui vient d’arriver.
C’est totalement inhabituel. Normalement, Milms sait que si tu agis
comme cela, ce n’est pas sans raison, et il te fais confiance. Je
sais bien que tu n’est pas fou, mais avoue que parler d’un
complot sans aucune preuve, c’était peine perdue.
– Mon instinct ne se trompe jamais Renig. Je sais ce que je dis.
Si j’ai dit ça pendant le “procès”, c’était
uniquement pour alerter les gens qui pensaient la même chose que
moi. Pour leur faire comprendre qu’ils avaient un allié.
Si j’étais libre...
– Que ferais-tu si tu étais libre ?
– Je chercherais des preuves de ce que j’avance, je pourrais
aller jusqu’à Mins pour ça...
Renig posa sa main à plat sur le champ magnétique, inoffensif
de l’extérieur de la cellule. A travers la couleur verte,
Gunnm distingua un petit objet d’un centimètre de long. Tout
à coup, sous l’effet d’un phénomène “surnaturel”,
l’objet passa au travers du champ. Les réflexes de l’ex-agent
se mirent alors en action. D’un mouvement trop vif pour un œil
non entraîné, il l’attrapa avant qu’il
ne touche le sol. Le Grand Conseiller reprit la parole :
– Ta quête est vaine Gunnm. Coincé ici, tu ne pourras
rien faire. Si Seulement tu avais visité le Vieux Temple de la
ville.
Renig lui adressa un salut respectueux et repartit dans l’obscurité
de la salle. Le cyborg entendit encore le bruit des pas qui s’éloignait,
puis le sas s’ouvrant et se refermant ; enfin, le silence revint
dans la prison.
Gunnm ouvrit la main et put enfin voir quel était ce mystérieux
objet. C’était une gélule.
Mais pas n’importe quelle gélule, des circuit et des composant
hyper miniaturisés parcourait toute sa surface. Mettant sa mémoire
en marche, il tenta de se souvenir quelle en était l’utilité.
Une lueur apparut sur son visage, il mit la gélule dans sa bouche,
et l’avala. Il attendit quelques minutes, se
concentrant pour visualiser le trajet qu’elle effectuait à
l’intérieur de son corps, puis, au moment opportun, il actionna
mentalement le microprocesseur interne de la gélule, lui permettant
de se fondre dans son corps. Alors, il disparut dans le sol, traversant
la machinerie de sa cellule qui, sous la pression trop importante que
représentait l’ajout d’un corps extérieur, explosa
avec un énorme
bruit qui se répercuta dans toute la grotte.
Gunnm réapparut, sortant du sol, à quelques mètres
de son ancien geôlier qui brûlait allègrement dans
les flammes de l’explosion. |
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Cette
nuit, il pleuvait dans la capitale. Ce n’était pas une des
pluies acides qui paralysaient de temps en temps la cité, mais
elle était assez forte pour empêcher les marchands de sortir,
les gens d’aller travailler, et les voyageurs de venir ou partir.
Le Vieux Temple, un des vestiges d’une ancienne civilisation inconnue,
surplombe la ville déserte sur une colline. Là Renig attendais
un vieil ami qui devrait arriver d’une seconde à l’autre...
– Bonsoir monsieur le Grand Conseiller Martien, fit une voix derrière
lui.
Renig se retourna sous le coup de la surprise. Gunnm était déjà
là, debout sur les ruines de ce qui devait être, autrefois,
un autel visité par des millions de croyants.
– Tu es là depuis longtemps ? demanda l’interpellé.
– Assez longtemps pour te voir t’impatienter.
– Avoue que tu aurais dû mettre moins de temps.
– J’ai fait un petit détour, je cherchais mon équipement
; mais ils ont dû le détruire.
Deux minutes de silence s’installèrent. Deux minutes pendant
lesquelles les deux hommes, et amis, se jaugèrent mutuellement.
Aucune tension, juste un énorme respect traversait l’espace.
– Tu m’as donné rendez-vous ici, en me disant que ce
que je cherchais s’y trouvait,commença Gunnm. Que voulais-tu
me montrer ?
– Tout d’abord, répondit le politicien, je voulais
que l’on puisse se parler à l’abri des oreilles indiscrètes
qui traînent un peu partout dans le palais. Ensuite, j’aurais
souhaité te rendre ce que l’on t’avait enlevé...
Joignant le geste à la parole, il sortit de la mallette à
ses pieds la tenue de combat ainsi que l’armure d’un agent
Tuned.
– Tu n’as pas réussi à récupérer
mes lames ? demanda Gunnm en enfilant ces habits.
– Non, tes armes ont déjà été fondues
et reforger pour servir de nouveaux propriétaires.
– Dommage, j’y tenais beaucoup. Il va falloir faire une virée
dans les entrepôts Martiens pour en trouver de nouvelles....
– Un peu de patience, je voulais te parler de ça. Ecoute-moi
bien. Ceux qui ont construit ce temple n’étaient pas n’importe
qui. Ils avaient réussi à prévoir beaucoup de choses,
des choses que nous vivons en ce moment même.
– Comment le sais-tu ?
– Viens voir...
Renig entraîna l’ex-agent Martien à l’intérieur
du temple. La destruction de ce culte n’avait rien enlevé
à sa magnificence. Les arches, bien que partiellement détruites
étaient toujours aussi immenses et parfaitement sculptées.
Certaines fresques, gravées dans les pierres, montraient des batailles
épiques dans ses moindres détails. Le sol, ou plutôt
ce qu’il en restait, offrait aux yeux de ses visiteurs des motifs
complexes et variés. Les deux hommes s’approchèrent
d’un mur sur lequel une inscription était gravée.
Elle était très ancienne, des runes faisait office de lettres
et le texte était partiellement effacé. Gunnm s’approcha
et tenta de le déchiffrer.
– C’est du Martien Ancien, n’est-ce pas ? fit-il à
Renig qui hocha la tête. “Lorsque... viendra... la... le temps...
du changement... un ho... homme se lèvera pour... é... dé...
défier le pouvoir, majestueux ?... non : dominant. Il sera... enfer...
emprisonné, il réunira alors une... assemblée ? compagnie
? non... une ?
– Confrérie.
– “Dix membres la constitueront... Le premier représentera
la nature... Le deuxième la ténacité... Le troisième
sera la Nuit... la quatrième amènera la puissance du Feu...
le cinquième... sera la grandeur du Soleil... le sixième
: la dualité... le septième sera... l’instinct, le
huitième.... re... représentera la bestialité...
et les deux derniers seront la fraternité et le techno, s’opposant
à l’organique du premier...
Ces dix membres libèreront l’Unique.... pour... contrer le
danger... qu... qui menace l’Univers. A la suite d’un... Ultime
Combat... tout s’en trouvera changé... une nouvelle ère
commencera...”
Un silence s’installa, Gunnm s’était arrêté.
Il semblait réfléchir, pesant les mots qu’il venait
de prononcer.
– Tu sais ce que cela veut dire ? demanda Renig, coupant enfin le
bruit des gouttes d’eau tombant sur le sol.
Le cyborg se leva d’un coup et commença à partir.
– Où vas-tu ? demanda le Grand Conseiller.
– Je vais la chercher. Je vais “réquisitionner”
un vaisseau au statioport.
– Reviens ici. Tu n’es même pas équipé.
– Je trouverais...
– J’ai beaucoup mieux à te proposer. Tu ne seras pas
obligé de te contenter de n’importe quelle arme fabriquée
par n’importe quel forgeron.
– Ah ! Là tu m’intéresse.
– Viens, suis-moi...
Renig partit dans une autre “salle” du temple. Gunnm revint
et le suivit. Ils arrivèrent dans une pièce plutôt
bien conservée, qui possédait encore un plafond. Au centre,
un unique autel. Une lame, dont seul le manche dépassait, était
plantée dedans. Une plaque avec une inscription était incrustée
sur le devant.
– Qu’y a-t-il d’écrit ? demanda l’ancien
agent.
– “Undalgüden,
la lame du changement” Une de nos légendes en parle...
– Oui, je la connais. Elle dit :
“Undalgüden
La lame du changement,
Aube d’une ère jeune,
Crépuscule d’un âge vieillissant.
Tu amèneras ici,
Le Chaos et le vide,
Symboles du Cri,
Maître des Mondes”
– Cette légende, que tu viens d’énoncer, confirme
l’autre. Quelque chose se prépare Gunnm, et tu fais partie
des rares personnes qui s’en sont rendues compte. Tu es une des
seules personnes que je connais qui pourra faire quelque chose, et cette
lame t’y aidera, elle a été faite pour.
Gunnm s’approcha de l’autel et, d’un bond, il monta
dessus. Il posa sa main droite sur le manche, et la gauche agrippa la
garde. Puis, prenant appui sur ses jambes, il tira de toutes ses forces.
La lame ne bougea pas d’un centimètre. Se relevant, il leva
ses mains devant son visage et, se concentrant, il généra
du plasma et repositionna ensuite ses mains dans la même position
que quelques instants plus tôt. Il resta dans cette position pendant
un temps qui parût infiniment long à Renig qui l’observait,
mais ce dernier n’osait pas troubler sa concentration. Son avenir,
ainsi que celui de millions d’êtres reposait entre les mains
de cet homme. Il en était intimement convaincu. D’un coup,
Gunnm tira sur la lame. Le plasma passa alors dans l’épée,
et l’arme prit une lueur verte qui commença à traverser
la pierre de l’autel. Le Martien, avec un cri de rage, sortit d’un
coup Undalgüden dans un nuage de poussière et de rochers volants,
explosant l’autel en mille morceaux.
– Gunnm ? appela Renig. Ça va ?
Une ombre se profila dans le nuage de fumée et elle se rapprocha
; Gunnm émergea progressivement, la lame Undalgüden luisant
d’une lumière blanche et noire – les deux couleurs
s’échangeant et s’inversant – dans la main.
– Voilà une bonne chose de faite, dit-il, un sourire ironique
aux coins des lèvres. Passons à la suite, monsieur le Grand
Conseiller/ Il me faut aller chercher les futurs membres de cette Confrérie.
Mais par où commencer ?
– Je pense que tu devrais commencer par le début, répondit
Renig. “Le premier représentera la nature”. A mon humble
avis, ce premier est une première, et tu devrais aller sur Gers,
la planète verte.
– Bien, alors ne tardons pas. Rendons-nous au statioport...
– Tu y vas, mais moi je reste ici...
– Comment ? Tu restes alors que nous savons tous les deux que Milms
est contrôlé. Tu y laisseras ta vie ou ton âme...
– Je peux t’aider. En tant que Grand Conseiller je pourrais
retarder des décisions trop hâtives. Je te serais beaucoup
plus utile ici. En partant avec toi je te retarderais, je n’ai pas
un corps de vingt ou trente ans.
– Moi non plus... Mais soit. Je pars seul. Fais tout ton possible,
je ferais au mieux...
Les deux hommes se serrèrent la main. |
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Le statioport
principal de mars : une magnifique infrastructure à la pointe de
la technologie Martienne d’avant-guerre – c’est à
dire, ancienne et usée. Par ci, par là, des tours s’élevaient,
avec quelques rares ponts entre certaines, pour ne pas gêner les
trafics aériens; sur le sol, plusieurs balises lumineuses délimitaient
les pistes de décollage et d’atterrissage, envoyant des ondes
contrôlant les pilotes automatiques des vaisseaux en approche, ou
envoyant les coordonnées exactes aux pilotes en chair et en os
(ou en métal et en circuits électroniques). Les balises
étaient contrôlées pars des énormes ordinateurs
datant d’avant l’ère de la supra-miniaturisation, contenus
dans les tours. Ces derniers étaient assistés par des Martiens
compétents qui devaient receler les erreurs,
malgré tout peu nombreuses, et vérifier que le trafic ne
soit pas trop important.
Quelques hommes patrouillaient au sol, sur les pistes – surtout
la nuit – car, durant les dernières années, des espions
ou des clandestins avaient réussi à débarquer sur
Mars en se cachant à bord des appareils. Ceux-ci, attendant la
nuit, fuyait ensuite se mêler à la foule disparate des cités
Martiennes. Parmi ces hommes, Tyres,
surnommé le colosse par ses collègues, à cause de
son corps de cyborg très imposant. Il surveillait le quartier E,
zone des départs vers les autres planètes du Système
Solaire. Tout à coup, alors qu’il jetait un coup d’œil
vers un des hangars, il s’arrêta, pensant avoir entendu un
bruit. Silence absolu. Il continua alors sa ronde tout à fait banale.
Un son le stoppa à nouveau. Cette fois, il était sûr
de l’avoir entendu. Repartant en sens inverse, il se dirigea vers
la porte du hangar qu’il venait de vérifier. En levant les
yeux, il vit l’inscription “Gers” écrite en Martien.
Il rentra le code d’ouverture sur le boîtier de commande :
, et la porte
commença à s’ouvrir.
Soudain, il sentit une douleur sur le flanc droit, et une force irrésistible,
mais pourtant invisible, le pousse vers la gauche, sans qu’il puisse
faire quoi que ce soit, même avec son corps de cyborg. Toute sa
masse corporelle est alors déportée vers l’intérieur
du hangar et, avec tout son poids, Tyres s’effondre par terre. Relevant
la tête, il vit alors son assaillant : un homme avec un corps de
cyborg humanoïde, tout comme lui, qui porte une armure légère
ressemblant étrangement à celle des rares guerriers d’élite
de l’armée Martienne qu’il avait pu voir auparavant.
L’homme a les cheveux noirs mi-longs, plaqués en arrière
sur son crâne, et il porte des lunettes noires très fines.
Il le regarde de toute sa hauteur, malgré le fait, et aucun des
deux hommes ne semblaient s’en rendre
compte, s’il faisait une tête de moins que Tyres. Ce dernier
se releva et se rapprocha de l’homme. La différence de taille
fut maintenant plus qu’évidente, et le colosse parût
s’en rappeler...
– Qui es-tu ? commença-t-il. Tu n’as rien à
faire ici, c’est un site appartenant au Gouvernement Martien.
L’Homme ne répondit pas.
– Vas-tu répondre ?
Aucune réponse.
– Très bien, tu l’auras voulu !
D’un geste ample, sans aucune grâce et extrêmement lent,
Tyres projeta son bras sur son adversaire, pensant que cela suffirait
à l’assommer. Mais, à sa plus grande surprise, il
ne toucha personne. Étonné, il regarda autour de lui. Il
avait disparu. Tout d’un coup, une nouvelle douleur se forma au
niveau de son ventre. Baissant le regard, il le vit, ce gringalet ; il
venait de le frapper et, avec seulement une main, il avait enfoncé
son poing d’une dizaine de centimètres dans le corps d’acier.
L’homme redisparut une fraction de seconde, et Tyres ressentit une
dernière douleur derrière la nuque avant de s’effondrer
de tout son long dans un fracas énorme.
Gunnm se dirigea vers le vaisseau entreposé dans le hangar : une
petite navette
de transport Martienne, en bon état, mais, comme tous les vaisseaux
Martiens, très ancien. Il rentra dedans, se mit aux commandes et
débrancha le pilote automatique et le récepteur des balises.
Il ne pouvait pas, il ne pouvait plus faire confiance aux machines. Il
mit les moteurs en marche et commença à rouler
vers la piste de décollage. Il activa les réacteurs, les
hyperpropulseurs ainsi que les contrôles de direction, prit de la
vitesse et décolla. |
FIN
DU CHAPITRE |